1 – Fonction de la machine et sources anciennes
Vitruve 10, 11, 1-9 (Traduction Ph. Fleury, La mécanique de Vitruve, Caen, Presses Universitaires de Caen, 1993).
”En ce qui concerne les balistes, leurs types sont variés et différenciés, bien que réalisés en vue d'un même effet. Certaines sont ainsi bandées au moyen de leviers et de treuils, quelques-unes au moyen de moufles, d'autres de cabestans, certaines aussi par des systèmes à tambours. Il reste que l'on ne monte aucune baliste dont les dimensions ne seraient pas fonction d'une grandeur donnée : celle du poids de la pierre que cet engin doit lancer. Leur calcul n'est donc pas accessible à tous ; il l'est seulement pour ceux qui ont une bonne connaissance du traitement géométrique des nombres et de leurs rapports.
Ballistarum autem rationes uariae sunt et differentes unius effectus causa conparatae. Aliae enim uectibus, suculis, nonnullae polyspastis, aliae ergatis, quaedam etiam tympanorum torquentur rationibus. Sed tamen nulla ballista perficitur nisi ad propositam magnitudinem ponderis saxi quod id organum mittere debet. Igitur de ratione earum non est omnibus expeditum, nisi qui geometricis rationibus numeros et multiplicationes habent notas.
Les tables de calibrage
De fait, les trous des cadres (O, cf la fig. balliste de Vitruve), à travers les ouvertures desquels sont bandées les fibres (T) (cheveux de femmes surtout, ou tendons), ont une dimension déterminée par le poids de la pierre que la baliste doit lancer ; c'est en fonction de la charge que sont établies les proportions, de la même manière que dans les catapultes d'après la longueur des flèches. Ainsi pour que la chose soit accessible à ceux mêmes qui ignorent la géométrie et de manière que, dans un péril de guerre, ils ne soient pas arrêtés par des calculs, je présenterai ce dont j'ai personnellement reconnu l'exactitude par la pratique, ce que, pour partie aussi, j'ai appris de mes maîtres qui le formulaient ; et je donnerai une liste des poids pour lesquels, chez les Grecs, un rapport est établi entre unités de charge et modules, mais de manière que ces données aussi s'accordent avec nos poids. Une baliste donc qui doit lancer une pierre de deux livres aura, sur son cadre, une ouverture de cinq doigts ; pour quatre livres, de six doigts ; pour six livres, de sept doigts ; pour dix livres, de huit doigts ; pour vingt livres, de dix doigts ; pour quarante livres, de douze doigts trois quarts ; pour soixante livres, de treize doigts un huitième ; pour quatre vingts livres, de quinze doigts ; pour cent vingt livres, de un pied et un doigt et demi ; pour cent soixante, de un pied un quart ; pour cent quatre vingts, de un pied et cinq doigts ; pour deux cent quarante livres, de un pied et sept doigts ; pour trois cent soixante, de un pied et demi.
Namque fiunt in capitibus foramina, per quorum spatia contenduntur capillo maxime muliebri uel neruo funes, magnitudine ponderis lapidis quem debet ea ballista mittere ; ex ratione grauitatis proportiones sumuntur, quemadmodum catapultis de longitudinibus sagittarum. Itaque ut etiam qui geometricen non nouerunt habeant expeditum, ne in periculo bellico cogitationibus detineantur, quae ipse faciundo certa cognoui quaeque ex parte accepi a praeceptoribus finita exponam, et quibus ponderibus Graecorum pensiones ad modulos habeant rationem, at ea ut etiam nostris ponderibus respondeant, tradam explicata. Nam quae ballista duo pondo saxum mittere debet, foramen erit in eius capitulo digitorum V ; si pondo IIII, digitorum sex ;
, digitorum VII ; decem pondo, digitorum VIII ; uiginti pondo, digitorum X ; XL pondo, digitorum XII S9 ; LX pondo, digitorum XIII et digiti octaua parte ; LXXX pondo, digitorum XV ; CXX pondo, I pedis et sesquidigiti ; C et LX, pedis I9 ; C et LXXX, pedis et digitorum V ; CC pondo, pedis et digitorum VI ; CC et X, pedis I et digitorum VII ; CCCLX pedis I S.
Le cadre
Ainsi quand on aura établi la grandeur de l'ouverture, on tracera le losange, qui est dit
peritretos en grec, avec une longueur de deux modules trois quarts, une largeur de deux modules et demi ; sur cette figure sera portée une médiatrice et, quand cette médiatrice aura été portée, on fermera les bords extérieurs de la figure, de manière qu'elle soit orientée en oblique, dans un rapport longueur largeur (largeur au coin) de six : quatre. C'est sur la portion où est la courbure et là où s'avancent les sommets des angles que l'on orientera l'axe des ouvertures, avec une réduction intérieure de la largeur égale à un sixième d'elle même. L'ouverture aura, d'autre part, une forme elliptique, proportionnée à l'épaisseur du levier de serrage. Quand on aura fait ce tracé, on adoucira les bords au pourtour, de manière à avoir une courbure régulièrement infléchie. On donnera au losange une épaisseur d'un module. Les barillets (f) auront deux modules, leur largeur sera d'un module et cinq douzièmes, leur épaisseur, à l'exception de la partie engagée dans l'ou¬ver¬ture, de trois quarts de module ; au bord extérieur, leur largeur sera d'un demi module. La longueur des montants (s) sera de cinq modules trois seizièmes ; l'échancrure sera d'un demi module ; l'épaisseur aura onze dix huitièmes de module ; on augmente d'autre part la largeur au milieu d'une grandeur équivalant à celle définie pour l'échancrure. Il y a là une bande, dont la largeur et l'épaisseur sont d'un cinquième de module, la hauteur, d'un quart. La tringle (v) qui tient à la table (e) aura une longueur de huit modules, une largeur et une épaisseur d'un demi module : les tenons auront deux modules de longueur, une épaisseur d'un quart de module ; la courbure de la tringle sera de trois quarts de module. La tringle extérieure (j) aura même largeur et même épaisseur ; la longueur sera fonction de l'inflexion même du tracé et de la largeur du montant, s'ajoutant à sa courbure. Les tringles supérieures auront mêmes dimensions que celles du bas. Quant aux traverses de la table, elles auront un quart de module.
Cum ergo foraminis magnitudo fuerit instituta, describatur scutula, quae graece peritretos appellatur, cuius longitudo foraminum II EZ, latitudo duo et S ; diuidatur medium lineae descriptae et, cum diuisum erit, contrahantur extremae partes eius formae, ut obliquam deformationem habeat longitudinis sexta parte, latitudinis, ubi est uersura, quartam partem. In qua parte autem est curuatura in quibus procurrunt cacumina angulorum, eo foramina conuertantur et contractura latidudinis redeat intror¬sus sexta parte. Foramen autem oblongius sit tanto quantam epizygis habet crassitudinem. Cum deformatum fuerit, circumleuigatur extremum, ut habeat curuaturam molliter circumactam. Crassitudo eius foraminis I constituatur. Modioli foraminum duo, latitudo I , crassitudo praeterquam quod in foramine inditur foraminis S9 , ad extremum autem latitudo foraminis S. Parastatarum longitudo foraminum V C, curuatura foraminis pars dimidia ; crassitudo foraminis S et partis IX. Adicitur autem ad mediam latitudinem quantum est prope foramen factum in descriptione. latitudine et crassitudine foraminis V ; altitudo parte IIII. Regulae quae est in mensa longitudo foraminum VIII, latitudo et crassitudo dimidium foraminis ; cardines II, crassitudo foraminis 9 ; curuatura regulae S9 . Exterioris regulae latitudo et crassitudo tantundem, longitudo, quam dederit ipsa uersura deformationis et parastaticae latitudo ad suam curuaturam. Superiores autem regulae aequales erunt inferioribus. Mensae transuersarii foraminis 9.
Le fût
Le limon (p) de l'échelle (b) aura une longueur de dix neuf modules, son épaisseur sera d'un quart de module. L'intervalle central (d) aura une largeur d'un module un quart, une hauteur d'un module un huitième. La partie antérieure de l'échelle, qui touche aux bras et qui tient à la table, sera divisée, sur toute sa longueur, en cinq parties. Deux de ces parties seront données à la pièce que les Grecs appellent chelen (X) : sa largeur est d'un module trois seizièmes, son épaisseur d'un quart de module, sa longueur de onze modules et demi. La saillie du tiroir est d'un demi module ; l'épaisseur de l'arête, d'un quart de module. La partie touchant l'arbre de treuil, appelée front transverse (C), sera de trois modules. La largeur des barreaux intérieurs (D) sera de cinq seizièmes de module, leur épaisseur de trois seizièmes. La fourrure (h), ou partie couvrante, du tiroir est engagée à queue d'aronde dans les limons de l'échelle ; la largeur sera d'un quart, l'épaisseur d'un douzième de module. L'épaisseur de la pièce carrée (M) qui tient à l'échelle sera d'un quart de module à ses bords. Le diamètre du cercle de l'essieu (J) sera de niveau avec le tiroir : il aura sept seizièmes de module là où sont les linguets (a). La longueur des étais (G) sera de trois modules un quart, leur largeur, au bas, sera d'un demi module, leur épaisseur, au haut, de trois seizièmes de module.
Climacidos scapi longitudo foraminum XVIIII, crassitudo 9 . Interuallum medium : latitudo foraminis I et partis quartae, altitudo foraminis I et partis octauae. Climacidos superioris pars quae est proxima bracchiis, quae coniuncta est mensae, tota longitudine diuidatur in partes V. Ex his dentur duae partes ei membro, quod Graeci chelen uocant : latitudo C, crassitudo 9 , longitudo foraminum XI et semis. Extantia cheles foraminis S ; pterygomatos foraminis 9 . Quod autem est ad axona, quod appellatur frons transuersarius, foraminum trium. Interiorum regularum latitudo foraminis E, crassitudo C. Cheloni replum, quod est operimentum, securicula includitur in scapos climacidos : latitudo 9 , crassitudo foraminis duodecima. Crassitudo quadrati quod est ad climacida foraminis 9 , in extremis. Rotundi autem axis diametros aequaliter erit cheles, ad clauiculas autem S minus parte sexta decima. Anteridon longitudo fora¬minum III 9 , latitudo in imo foraminis S, in summo crassitudo C.
La base
La base (A), que l'on appelle eschara, aura une longueur de huit modules ; la pièce qui est contre la base (I) aura quatre modules ; pour chacune de ces pièces l'épais¬seur et la largeur seront d'un module. C'est à mi hauteur que sont assemblées les colonnes (x), leur largeur et leur épaisseur sont chacune d'un demi module : leur hauteur n'est pas déterminée par une relation modulaire ; elle sera fonction des besoins pratiques. La longueur des bras (K) sera de six modules, leur épaisseur, à la base, de cinq huitièmes de module, à l'extrémité, de trois huitièmes.
Basis, quae appellatur eschara, longitudo foraminum, antibasis fora¬minum IIII, utriusque crassitudo et latitudo foraminis I. Compinguntur autem dimidia altitudinis columnae, latitudo et crassitudo S ; altitudo autem non habet fora¬minis proportionem, sed erit, quod opus erit ad usum. Bracchii longitudo foraminum VI, crassitudo in radice foraminis CZ, in extremis F”.
Témoignages archéologiques
Ampurias
En 1914 W. Barthel (Die Katapulta von Emporion : Frankfurter Zeitung, 29.4.1914 ) reconnut, pour la première fois, une pièce de catapulte, découverte deux ans plus tôt par Gandia et J. Puig Y Cadalfach (Annu. inst. d'estudis catalans, 4, 1911 12, p. 672) à Ampurias (Espagne). Il s'agit du capitulum bien conservé d'un lanceur de flèches romain, de calibre moyen (on estime à 66,5 cm la longueur de ses projectiles) du IIe ou du Ier siècle a.C. Le cadre retrouvé correspond aux mesures données par Vitruve : ses péritrètes par exemple ont une épais¬seur d'un module : 7,9 cm. La hauteur du cadre est cependant plus faible que celle donnée par Vitruve pour les machines "standard" : c'est donc un cadre "catatone". D'après E. Schramm, le cadre catatone lançait des flèches plus courtes que les cadres normaux, c'est pourquoi il estime la longueur des flèches de la catapulte d'Ampurias à 66,5 cm (= 3 spi¬tha¬mes) et non à 71 cm comme le voudrait le rapport 1 : 9 énoncé par Vitruve et Philon. Les mécaniciens anciens ne précisent pas le mode de maintien des bagues (epizugides) pour éviter qu'elles ne tournent. Dans la catapulte d'Ampurias chaque bague est maintenue par deux clavettes. La bague est percée de six trous, trois pour chaque clavette, et le support est percé de seize trous. L'écartement entre chaque trou est dans un rapport de 1/16 de la circonférence pour le support, de 1/24 pour la bague, ce qui donne une précision de réglage de 1/48 c'est à dire 7,5°. A partir du cadre, E. Schramm a reconstitué la pièce entière : elle mesure 1,11 m de haut (lorsque le fût est en position horizontale), c'est à dire à peu près la hauteur de la ligne de visée standard des pièces d'artillerie de tous types. Lors de tirs expérimentaux avec cette reconstitution, les artilleurs réussirent à atteindre 305 m contre le vent.Après Ampurias d'autres découvertes intéressantes furent faites, notamment à Orsova et Gornea (Roumanie) en 1968 et 1969 et à Hatra (Irak) en 1972.
Orsova et Gornea
Dans des forts romains, sur les bords du Danube, N. Gudea a trouvé des pièces de balistes du second type, c'est à dire d'engins en fer, lanceurs de flèches.
Ces pièces appartenaient à des couches de destruction du IVe siècle p.C., à une époque donc à laquelle l'ancien lanceur de flèches du type vitruvien n'existait sûrement plus.
Vitruve ne parle pas du tout de ce type d'engin ; par contre il faut le rapprocher de la chirobaliste d'Héron et on ne peut manquer d'être frappé par la similitude entre les pièces trouvées à Orsova (fig. )
et à Gornea (fig. ), et les illustrations anciennes de certains manuscrits d'Héron (fig. ). Il s'agit de
manuballistaesemblables à celles représentées sur la colonne Trajane.
Hatra
Plus intéressante, du point de vue du texte vitruvien, est la découverte d'un cadre de baliste lanceuse de pierres à Hatra. Cette ville, au milieu d'une région désertique de Mésopotamie, fut fondée au Ier siècle a.C. et détruite vers 250 p.C., lors d'un siège mené par les rois Sassanides. C'est probablement au cours de ce dernier siège que la pièce d'artillerie fut renversée de la tour au pied de laquelle on la retrouva. Il ne reste rien du fût ni de la base, mais la forme générale du cadre put être reconstituée grâce aux parties en fer restées en place. Or il s'avère, d'après la reconstitution de D. Baatz, que le dessin du cadre s'écarte beaucoup des données de Vitruve et des mécaniciens grecs : les péritrètes n'ont pas la forme en losange, le mode d'assemblage des montants extérieurs n'est pas celui décrit dans les textes... Mais, dans la mesure où les parties en bois n'ont pas été conservées, il faut prendre la reconstitution de D. Baatz avec beaucoup de réserves. Une partie au moins ne prête pas à discussion : ce sont les bagues de serrage en bronze. Elles sont rondes, avec un diamètre extérieur de 28 cm et un diamètre intérieur de 17,5 cm en bas et 16 cm en haut. Les flasques sur lesquelles elles reposent portent 16 trous, à travers lesquels on pouvait enfoncer des chevilles dans les trous correspondants des bagues pour les maintenir en place (système analogue à celui de la catapulte d'Ampurias). Les ressorts étaient catatones : au lieu du rapport longueur diamètre standard indiqué par Vitruve : 8,7/1, ils avaient un rapport de 6,7/1. Pour évaluer les capacités de l'engin d'Hatra, D. Baatz ne s'est donc pas fié directement au diamètre des trous, mais au volume des ressorts et il appa¬raît que le lanceur de pierres de 10 livres (3,27 kg) de Vitruve possédait à peu près le même volume de ressorts que celui d'Hatra.
Ephyra
Les bagues de tension sont des éléments facilement identifiables (et retrouvables) des pièces d'artillerie, maintenant que les études sur cette partie de la mécanique ancienne ont fait de grands progrès. A Ephyra (Grèce) par exemple, des bagues de bronze trouvées pendant la campagne de fouilles de 1958 1964, ont été identifiées récemment par D. Baatz comme étant des bagues de serrage de catapulte. Des pièces circulaires dentées, provenant du même endroit semblent bien être des encliquetages. Cela confirmerait l'hypothèse émise plus haut d'encliquetages à rochet sur la baliste et la catapulte vitruviennes. Il restera maintenant à expliquer la présence de ces objets dans ce qui avait été considéré jusqu'ici comme un nécromanteion, mais c'est un autre sujet.
Dans plusieurs régions d'Europe, du Moyen Orient et d'Afrique, ont été retrouvés aussi différents projectiles de machines de jet, mais on peut espérer maintenant que d'autres parties métalliques de pièces d'artillerie seront mises à jour et identifiées afin de compléter les découvertes déjà faites. Car il est vraisemblable que les archéologues ont retrouvé des parties de machines de jet avant 1912 ; mais, comme ils ne pouvaient iden¬ti¬fier ces pièces métalliques, elles ont été probablement perdues ou enfouies dans les réserves de quelques musées.
Témoignages iconographiques
Il n'y a pas eu de découvertes iconographiques importantes, à notre connaissance, depuis le relevé fait par G. Lafaye dans le Dictionnaire des Antiquités de Daremberg et Sagli. On peut juste compléter l'iconogra¬phie de la colonne Trajane avec celle donnée par E.W. Marsden.
Toutes ces représentations sont celles d'engins lanceurs de flèches : trois pour l'ancien modèle (catapulta dans la première nomenclature), cinq (toutes sur la colonne Trajane) pour le nouveau modèle (ballista dans la seconde nomenclature). Aucune représentation du lanceur de pierres vitruvien n'a encore été découverte à ce jour et comme l'archéologie n'a rien apporté non plus sur cette machine (voir supra les problèmes posés par la découverte d'Hatra), sa reconstitution reste donc uniquement fondée sur les textes alors que les données sur la catapulte se trouvent à la fois confirmées par la découverte d'Ampurias et par les trois représentations du Trophée de Pergame (Dar. Sag., V, p. 370, fig. 7022 s.u. tormentum ; E.W. Marsden, Historical development..., pl. 3), du
Tombeau de Vedennius (Dar. Sag., ibid., fig. 7023 ; E.W. Marsden, ibid., pl. 1. ) et de la Gemme d'Éros (Dar. Sag., ibid., fig. 7024 ; E.W. Marsden, ibid., pl. 2).
Le trophée de Pergame :
Bas relief d'un bâtiment construit entre 197 et 159 a.C., est la plus ancienne représentation connue de catapulte. Le cadre est du modèle grec avec deux montants centraux au lieu d'un seul chez Vitruve.
Le tombeau de Vedennius est une réalisation beaucoup plus tardive : vers 100 p.C. Le cadre, représenté de face, comme sur le trophée de Pergame, semble recouvert d'un bouclier de protection si bien que l'on ne peut juger de son mode de fabrication. Il paraît cependant correspondre au modèle vitruvien, avec un seul montant central, percé d'une petite ouverture (
interuallum). L'inscription qui accompagne cette représentation est très intéressante également, car elle nous renseigne sur la carrière d'un architectus du grand arsenal de Rome :
C. Vedennius C.F./ Qui. Moderatus Antio,/ milit. in leg. XVI Gal. a. X,/ tranlat. in coh. IX pr.,/ in qua milit. ann. VIII,/ missus honesta mission.,/ reuoc. ab imp. fact. euoc. Aug.,/ arcitect. armament. imp.,/ euoc. ann. XXIII,/ donis militarib. donat./ bis, ab diuo Vesp. et/ imp. Domitiano Aug. Germ. (C.I.L., VI, 2725 ; Inscriptiones latinae selectae (H. Dessau) 2034.)
E.W. Marsden reconstitue ainsi la carrière de Caius Vedennius Moderatus d'Antium : il est entré à l'armée en 60 p.C. et a servi jusqu'en 69 dans la legio XVI Gallica en basse Germanie. Pendant cette période il s'est peut être élevé au rang d'architectus ou, tout au moins de discens architecti. Lorsque les légions de la frontière germaine ont soutenu Vitellius contre Othon.
La gemme d'Éros
Les leviers du treuil, la
manucla et l'
epitoxis sont nettement représentés. Le système de pointage pose un problème car non seulement il ne correspond pas aux données littéraires, mais on ne voit même pas comment il pourrait fonctionner tel qu'il est représenté : l'assemblage des pièces postérieures de la base semble être fixe et condamner l'engin à tirer toujours avec la même inclinaison, ce qui est peu probable pour une catapulte. Peut-être faut il donc supposer que l'artiste s'est trompé : il aurait placé correctement la
subiectio (la barre oblique), mais il aurait situé l'antibasis (la petite colonne d'arrière chez Vitruve) entre la colonne principale de la base et la
subiectio au lieu de la graver entre le fût et la
subiectio.
Les autres représentations de pièces d'artillerie viennent de la colonne Trajane et elles n'intéressent pas directement notre sujet puisqu'il s'agit de lanceurs de flèches de la deuxième génération, inconnus de Vitruve.
Ballista de Vitruve (d’après Ph. Fleury, La mécanique de Vitruve, Caen, Presses Universitaires de Caen, 1993, fig. 58 p. 258).
3 - Bibliographie
Nous ne citons pas les études antérieures aux publications d'E. Schramm et de R. Schneider qui furent les premiers à entrevoir les véritables principes de fonctionnement des machines de jet anciennes. Nous mentionnons la plupart des articles et des ouvrages de ces deux auteurs, mais beaucoup de leurs travaux font double emploi ; l'essentiel de la question se trouve résumé dans :
E. SCHRAMM, Die antiken Geschütze der Saalburg, Berlin, Weidmann, 1918.
Cet ouvrage a été réédité en 1980 par les soins du musée de Saalburg avec une introduction de D. Baatz ; celui ci rappelle d'abord la carrière d'E. Schramm, ses travaux, puis il fait le point sur l'état actuel de la recherche et des découvertes dans ce domaine : Éphyra (Grèce), Ampurias et Azaila (Espagne), Crémone (Italie), Bath (Grande Bretagne), Lyon (France), Hatra (Irak), Gornea et Orsova (Roumanie) ; enfin D. Baatz corrige un certain nombre d'erreurs d'E. Schramm.
Mais l'ouvrage moderne de référence pour tout le domaine de l'artillerie est :
E.W. MARSDEN, Greek and roman artillery. Historical development, Oxford, Clarendon Pr., 1969 (voir aussi : Technical treatises, 1971).
L. ALEXANDER, ”Greek and roman artillery”, Classical Journal, 41, 1946, p. 208 212.
D. BAATZ, ”Zur Geschützbewaffnung römischer Auxiliartruppen in der frühen und mittleren Kaiserzeit”, Bonner Jahrbücher, 166, 1966, p. 194 207.
D. BAATZ, ”Das Torsiongeschütz von Hatra”, AW, 9, 4, 1978, p. 50 57.
D. BAATZ, ”Recents finds of ancient artillery”, Britannia, 9, 1978, p. 1 17.
D. BAATZ, ”Teile hellenistischer Geschütze aus Griechenland”, Deutsches Arch. Inst. Archäologischer Anzeiger, 1979, p. 68 75.
D. BAATZ, ”Ein Katapult der legio IV Macedonica aus Cremona”, MDAI (R), 87, 1980, p. 283 299.
D. BAATZ et M. FEUGRE, ”Éléments d'une catapulte romaine trouvée à Lyon”, Gallia, 39, 1981, p. 201 209.
D. BAATZ, ”Hellenistische Katapulte aus Ephyra (Epirus)”, MDAI (A), 97, 1982, p. 211 233.
D. BAATZ, Bauten und Katapulte des römischen Heeres, Stuttgart, Steiner, 1994.
E.P. BARKER, ”Palntonon and ehtonon”, Classical Quartely, 14, 1920, p. 82 86.
W. BARTHEL, ”Eine neue Geschützsdarstellung”, MDAI (R), 24, 1909, p. 100 108.
W. BARTHEL,Die Katapulta von Emporion, Frankfurter, Zeitung, 1914.
T. BECK, ”Der altgriechische und altrömische Geschützbau nach Heron dem Älteren, Philon, Vitruv und Ammianus Marcellinus”, Beiträge zur Geschichte der Technik und Industrie. Jahrbuch des Vereines deutscher Ingenieure, 3, 1911, p. 163 184.
M.F.A. BROK, ”Bombast oder Kunstfertigkeit. Ammians Beschreibung der Ballista (23,4,1 3)”, RhM, 120, 3- 4, 1977, p. 331 345.
D. B. CAMPBELL, ”Auxiliary artillery revisited”, BJ, 186, 1986, p. 117-132.
O. DAHM, ”Römische Geschützpfeile von Aliso”, Mitteilungen der Altertumskommission von Westfalen, 3, 1903.
A.G. DRACHMANN, Remarks on the ancient catapults, Actes du VIIe congrès international d'histoire des sciences (Jérusalem, août 1953) (Coll. des travaux de l'Académie Internationale d'Histoire des Sciences, 8), Paris, Hermann, p. 279 282.
A.G. DRACHMANN, Caesar's scorpio and Philon's repeating catapult, Actes du IXe congrès international d'histoire des sciences (Barcelone Madrid, 1959), Barcelone/Paris, 1960, p. 203 205.
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Ph. FLEURY, ”Vitruve et la nomenclature des machines de jet romaines”, REL, 59, 1981, p. 216-234.
Ph. FLEURY, La mécanique de Vitruve, Caen, Presses Universitaires, 1993.
N. GUDEA et D. BAATZ, ”eile spatrömischer Ballisten aus Gornea und Orsova (Rumänien), mit
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A.B. HOFFMEYER, ”Antikens artilleri”, Stud. frå Sprog. og Oltidsforskn, 236, Copenhague, Gad, 1958.
K. HUURI, Zur Geschichte des Mittelalterliche Geschützwesens aus orientalischen Quellen (Studia Orientalia, 9,3), Helsinki, Societas Orientalis Fennica, 1941.
C. PITOLLET, ”La catapulte d'Ampurias”, REA, 22, 1, 1920, p. 73 76.
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