Liburne
Dans le chapitre 17 du De rebus Bellicis, l’auteur décrit un navire de guerre automoteur, propulsé par des roues à aubes mues par des manèges de bœufs.
La liburne automotrice décrite dans le De rebus bellicis est la machine la plus originale du traité. C’est celle qui porte pourtant le nom le plus commun (simplement liburna), celle qui a le plus marqué les esprits, celle aussi qui a fait parfois considérer l’Anonyme comme un fou (C’était l’opinion exprimée par Schneider 1908, 33). Il est un fait que nulle part ailleurs, ni dans les textes, ni dans l’iconographie, ni dans aucune fouille archéologique, nous ne trouvons trace d’un tel système : un navire à roues à aubes mues par des manèges de bœufs. S’il n’y a qu’une seule invention de machine au sens propre dans tout le De rebus bellicis, c’est bien celle-là. L’analyse technique du système montre qu’il ne s’agit pas d’une élucubration : le procédé était réalisable au IVe siècle ap. J.-C., et il a été effectivement employé au XIXe siècle (voir les sources archéologiques).
De rebus bellicis, 17, 1-3 (texte établi et traduit par Philippe Fleury, Paris, Les Belles Lettres, 2017)
Expositio liburnae
Liburnam naualibus idoneam bellis, quam pro magnitudine sui uirorum exerceri manibus quodammodo imbecillitas humana prohibebat, quocumque utilitas uocet ad facilitatem cursus ingenii ope subnixa animalium uirtus impellit. 2. In cuius alueo uel capacitate bini boues machinis adiuncti adhaerentes rotas nauis lateribus uoluunt, quarum supra ambitum uel rotunditatem exstantes radii, currentibus iisdem rotis, in modum remorum aquam conatibus elidentes miro quodam artis effectu operantur, impetu parturiente discursum. 3.Haec eadem tamen liburna pro mole sui proque machinis in semet operantibus tanto uirium fremitu pugnam capescit, ut omnes aduersarias liburnas comminus uenientes facili attritu comminuat.
XVII. Description de la liburne
1. Une liburne adaptée au combat naval, qu’en raison de sa taille la faiblesse humaine empêchait d’une certaine manière d’être manœuvrée à bras d’hommes, est propulsée par la force animale secondée par l’intelligence humaine pour aller facilement là où le besoin l’appelle. 2. Dans sa coque (c’est-à-dire l’espace libre intérieur) des paires de bœufs attelés à des machines font tourner des roues fixées sur les flancs du navire ; sur leur pourtour (c’est-à-dire sur la circonférence) il y a des rayons en saillie ; lorsque les roues tournent, ils sont mis en mouvement et leur action chasse l’eau à la manière des rames — effet étonnant de la technique — et l’impulsion fait naître le déplacement. 3. En plus cette liburne, grâce à sa propre masse et grâce aux machines qui sont en fonctionnement à l’intérieur, engage le combat avec un tel débordement d’énergie qu’elle met facilement en pièces toutes les liburnes adverses qui s’approchent d’elle.