Héraclès et Ladon
Cet automate est décrit dans le paragraphe 41 du livre 1 des Pneumatiques d’Héron d’Alexandrie. Comme l’indiquent G. Argoud et J.Y. Guillaumin, il s’agit d’un jeu miniature, où la manette est représentée par une pomme posée sur une base qui déclenche un mécanisme caché. Cet automate ne possède pas d’équivalent dans l’œuvre du mécanicien.
L’automate illustre le conflit mythologique entre le demi dieu Héraclès et un dragon. Ce mythe fait partie du onzième des douze travaux d’Héraclès (Hercules) consistant à ramener les pommes d’or du jardin des Hespérides. Un résumé en est donné par P. Grimal dans le Dictionnaire de la Mythologie grecque et romaine.
Le fonctionnement du mécanisme interne de l’automate est décrit sur le plan dessiné à partir du traité d’Héron d’Alexandrie (cf. Schéma). Nous allons voir point par point les différents éléments qui composent la machine. Tout le système mécanique de l’automate repose sur une base étanche. Cette base, nommée AB par Héron, est séparée en son milieu par un diaphragme. Il s’agit d’une paroi étanche qui permet de diviser la structure en deux réservoirs identiques. Le haut de la base dispose d’un bouchon de remplissage, tandis que le bas du réservoir inférieur possède un robinet de vidange.
Une ouverture est réalisée au centre du diaphragme et un « cône tronqué creux » y est fixé. La petite ouverture, notée Z, du cône est orientée vers le fond du réservoir. Il reste juste assez de place pour laisser l’eau s’écouler. Dans ce cône est inséré un autre cône, cette fois ci plein. Ce deuxième cône permet de boucher le premier réservoir afin de permettre à l’eau d’y rester. Ce système d’emboitement de cônes est similaire à celui de nos éviers actuels, où le bouchon nous permet de garder l’eau en place.
Dans l’alignement des cônes, on pose une pomme dorée sur la base de l’automate à l’extérieur. Nous prendrons soin de percer un petit trou en dessous pour pouvoir relier la pomme aux cônes. La pomme servira alors de déclencheur. Une petite chaîne en cuivre relie la pomme à l’extrémité supérieure du cône. Le fait de soulever la pomme entraîne le cône, qui permet à l’eau de s’écouler dans le second réservoir.
Sous la représentation d’Héraclès, et sur le diaphragme, nous installons une petite poulie qui permet d’ajuster une cordelette. Cette corde relie la détente de l’arc du héros et le cône. La corde se tend lorsque nous l’attachons à la détente de l’arc. Cette corde, qui se trouve cachée à l’intérieur de la sculpture, sort au niveau de la main d’Héraclès. Pour éviter qu’elle ne s’échappe à l’intérieur une boucle est formée. C’est cette boucle qui permet de tendre l’arc et la corde. Maintenant, lorsque nous soulevons la pomme, le bouchon formé par le cône supérieur se lève et tire la cordelette. Cette action permet de libérer la détente de l’arc qui lance sa flèche.
Une dimension supplémentaire est ajoutée avec la présence du son dans l’automate. Un tuyau creux est installé, caché à l’intérieur de l’arbre, et qui descend jusqu’au deuxième réservoir. Il permet, lors du mouvement de l’eau, de faire échapper l’air contenu dans le réservoir. Un petit sifflet est disposé au sommet de ce tuyau. L’air s’écoulant à travers permet de restituer le sifflement de douleur du drakon.
Pour mieux comprendre comment fonctionne le mécanisme interne de l’automate,
nous pouvons décomposer son animation en plusieurs étapes :
1. Enlever le bouchon de remplissage et remplir le réservoir.
2. Soulever la Pomme pour entraîner le mécanisme :
(a) Le cône se soulève.
(b) L’eau s’écoule dans le deuxième réservoir.
(c) La corde se tire et libère la détente.
(d) L’arc libère sa flèche.
(e) L’air du deuxième réservoir est chassé à travers le tuyau par l’eau.
(f) Le dragon se met à siffler.
3. Vider le deuxième réservoir à l’aide du robinet.
4. Retendre la corde et accrocher la détente.
5. Recommencer.
Tous les événements qui se déroulent dans la deuxième étape se produisent de manière parallèle et dans le même laps de temps.
Cet automate, par son aspect ludique, est destiné à deux choses distinctes. Dans un premier temps, cette machine divertit le public qui la manipule. Ce divertissement permet au spectateur d’appréhender le récit du mythe d’Héraclès au jardin des Hespérides. Ensuite, elle offre une démonstration technique sur la science des pneumatiques, science qui met en mouvement les fluides et l’air dans un environnement clos étanche.
Héron, Pneum. 1, 41
Βάσεως οὔσης, ἐφ’ ἧς ἐφέστηκε δενδρύφιον, περὶ ὃ δράκων εἱλεῖται, καὶ παρεστὼς Ἡρακλῆς τοξεύων καὶ μήλου ἐπικειμένου τῇ βάσει, ἐπὰν τὸ μῆλον μικρὸν ἀπὸ τῆς βάσεώς τις κουφίσῃ τῇ χειρί, ὁ μὲν Ἡρακλῆς ἀφήσει τὸ βέλος πρὸς τὸν δράκοντα, ὁ δὲ δράκων συρίσει.
Ἔστω ἡ μὲν εἰρημένη βάσις στεγνὴ ἡ ΑΒ διάφραγμα ἔχουσα τὸ ΓΔ· τῷ δὲ διαφράγματι συμφυὲς ἔστω κοῖλον κόλουρον κωνάριον τὸ ΕΖ ἔχον ἐλάσσονα τὸν Ζ κύκλον ἀνεῳγότα πρὸς τῷ πυθμένι, ὀλίγον δὲ ἀπέχοντα ὅσον ὕδατι διάρρυσιν· τούτῳ δὲ συνεσμηρισμένον ἔστω ἕτερον τὸ Θ καὶ ἐξ ἁλυσειδίου τινὸς ἀποδεδεμένον διὰ τρήματος εἰς τὸ Κ μῆλον ἐπικείμενον τῇ βάσει. κατεχέτω δὲ ὁ Ἡρακλῆς τοξάριον κεράτινον ἔχον ἐντεταμένην τὴν νευρὰν ἀπέχουσαν ἀπὸ τῆς δεξιᾶς χειρὸς τὸ αὔταρκες· ἐν δὲ τῇ δεξιᾶ χειρὶ κατὰ τὸν δράκοντα ἔστω χεὶρ ὁμοία τῇ ἐκτὸς κατὰ πάντα πλὴν ὅτι μικρά, ἔχουσα καὶ τὴν σχαστηρίαν. ἐκ δὲ τοῦ ἄκρου τῆς σχαστηρίας ἁλυσείδιον ἢ σπάρτος ἀποδεδόσθω διὰ τῆς βάσεως εἰς τρόχιλον ὑπὲρ τὸ διάφραγμα κείμενον καὶ ἔτι εἰς τὸ ἁλυσείδιον τὸ ἐνδεδεμένον εἴς τε τὸ κωνάριον καὶ τὸ μῆλον.
ἐπισπασώμεθα οὖν τὸ τόξον καὶ ὑποβαλόντες ὑπὸ τὴν χεῖρα κατακλείσωμεν τὴν σχαστηρίαν, ὥστε εἶναι τεταμένην τὴν σπάρτον καὶ βιάζεσθαι τὸ μῆλον εἰς τὸ κάτω μέρος. ἔστω δὲ ἡ σπάρτος διὰ τοῦ σώματος καὶ τῆς χειρὸς ἔσωθεν τοῦ Ἡρακλέους. ἐκ δὲ τοῦ διαφράγματος ἀνατεινέτω σωληνάριον ὑπὲρ τὴν βάσιν τῶν εἰθισμένων συρίζειν· τοῦτο δὲ ἔστω ὑπὸ τὸ δενδρύφιον ἢ παρ’ αὐτὸ τὸ δενδρύφιον. πεπληρώσθω δὲ τὸ ΑΔ ἀγγεῖον ὕδατος. καὶ ἔστω τὸ μὲν δενδρύφιον τὸ ΛΜ, τοξάριον δὲ τὸ ΝΞ, νευρὰ δὲ ἡ ΟΠ, ἡ δὲ ἐπιλαμβανομένη χεὶρ ἡ ΡΣ, σχαστηρία δὲ ἡ ΤΥ, σπάρτος δὲ ἡ ΦΧ, τρόχιλος δὲ ὁ Χ, περὶ ὃν ἡ σπάρτος, συρίγγιον δὲ τὸ ΨΩ. ἐὰν οὖν ἐπάρῃ τις τὸ Κ μῆλον, συνεπαρεῖ καὶ τὸ Θ κωνάριον καὶ ἐπισπάσεται τὴν ΥΦΧ σπάρτον καὶ σχάσει τὴν χεῖρα, ὥστε ἀφεθῆναι τὸ βέλος. καὶ τὸ ἐν τῷ ΑΔ ἀγγείῳ ὕδωρ φερόμενον εἰς τὸ ΒΓ ἐκκρούσει τὸν ἐν αὐτῷ ἀέρα διὰ τοῦ συριγγίου καὶ τὸν ἦχον ἀποτελέσει. τεθέντος δὲ τοῦ μήλου πάλιν τὸ κωνάριον ἐναρμόσαν τῷ ἑτέρῳ στεγνώσει τὴν ῥύσιν, ὥστε μηκέτι φθέγγεσθαι. πάλιν οὖν καταρτισώμεθα τὰ κατὰ τὸ βέλος καὶ ἐάσωμεν. πληρωθέντος δὲ τοῦ ΓΒ ἀγγείου, πάλιν κενωθήσεται διά τινος κρουνοῦ κλειδίον ἔχοντος· τὸ δὲ ΑΔ πληρώσομεν ὡς καὶ τὸ πρότερον.
Étant donné une base sur laquelle est placé un petit arbre autour duquel est enroulé un dragon, avec à côté Héraclès tirant à l’arc, et une pomme posée sur la base, si de la main l’on soulève un peu la pomme de la base, Héraclès tirera sa flèche contre le dragon, et le dragon sifflera.
Soit la base en question étanche de toutes parts AB, pourvue d’un diaphragme Γ∆ ; qu’au diaphragme soit fixé un petit cône tronqué creux EZ, ayant son petit cercle Z ouvert sur le fond, dont il est distant de manière à permettre juste à l’eau de passer. A ce cône tronqué on en ajustera soigneusement un autre Θ, relié par une petite chaîne passant à travers un trou à la pomme K posée sur la base. Héraklès tiendra un petit arc en corne, dont la corde est tendue et à la distance convenable de sa main droite. A l’intérieur de cette main droite, en face du dragon, soit une main semblable en tout point à la main extérieure, excepté qu’elle doit être petite et pourvue d’une détente. De l’extrémité de cette détente part une petite chaîne ou une corde qui, traversant la base, va à une poulie reposant sur le diaphragme, et encore à la petite chaîne reliée au cône et à la pomme.
Ainsi donc, bandons l’arc et, en plçant la corde dans la main, fermons la détente, de sorte que la corde soit tendue et que la pomme soit tirée vers le bas. La corde doit passer dans le corps et dans le bras à l’intérieur de l’Héraklès. On fera monter du diaphragme au-dessus de la base un petit tube, de ceux dont on se sert pour siffler ; que ce tube soit sous le petit arbre ou près de ce petit arbre. On remplira d’eau le vase A∆. Et soit le petit arbre ΛM, le petit arc NΞ, la corde OΠ, la main qui reçoit PΣ, la détente TΥ, la corde ΦX, la poulie autour de laquelle vient la corde, X, et le sifflet ΨΩ. Si donc on soulève la pomme K, on soulèvera en même temps le cône Θ, on tendra la corde ΥΦX, et on lâchera la main, de sorte que la flèche partira. Et l’eau du vase A∆, entraînée dans le compartiment BΛ, chassera par le tuyau l’air contenu dans le compartiment et produira un sifflement. Si l’on repose la pomme, le cône, en venant s’adapter à l’autre, fermera l’écoulement, de sorte que le sifflement cessera. Disposons donc à nouveau la flèche et ce qui va avec elle, et laissons. Quand le vase ΛB sera rempli, on le videra grâce à un goulot muni d’un petit robinet ; et nous remplirons de nouveau A∆ comme précédemment.