La chouette et les oiseaux chanteurs
L’automate de la chouette et des oiseaux chanteurs est une fontaine à intermittence animée qui est décrite dans le livre 1 des Pneumatiques de Héron d’Alexandrie.
Philon propose un appareil pneumatique faisant siffler des oiseaux 131. Héron reprend le concept et l’améliore afin de présenter cet automate de la chouette et des oiseaux chanteurs.
Cette machine présente un mécanisme continuellement alimenté en eau qui réalise un spectacle automatique perpétuel d’oiseaux qui sifflent, lorsque la chouette se retourne, et qui s’arrêtent lorsqu’elle ne les regarde plus. Ce système utilise les mouvements de l’eau à travers différents récipients pour gérer les flux d’air qui serviront à faire chanter les oiseaux.
Cette fontaine animée doit disposer d’une source d’eau continuelle pour fonctionner. On en déduit deux principales utilisations : au travers d’une fontaine de rue ou alors pour animer un sanctuaire dédié à la nature (dans des grottes par exemple).
Le texte nous stipule que l’automate doit être installé sous une fontaine, ou dans une grotte, pour obtenir un accès à une eau qui s’écoule continuellement. Nous avons choisi la première solution, plus simple à intégrer dans le modèle de Rome. Nous réalisons donc une fontaine, où la base permet de cacher le mécanisme aux yeux des passants. Les oiseaux sont positionnés sur des arbres et la chouette est installée sur le coté comme l’énonce le traité antique. Ainsi nous obtenons une fontaine agréablement bien ornée.
Le schéma suivant montre le plan technique du mécanisme que nous avons restitué à partir du texte d’Héron d’Alexandrie. Son fonctionnement est très simple et se répète tant que le jet d’eau de la fontaine coule.
Tout d’abord, pour construire cet automate, le technicien doit s’assurer de trouver une source d’eau continue. Une fois en place, l’eau coule au sein d’un récipent en forme d’entonnoir, muni à sa base d’un tuyau qui le relie à un réservoir caché. Les sculptures des oiseaux chanteurs sont installées sur des arbres. On veille à camoufler, à l’intérieur des troncs, des tuyaux (A) munis de sifflets qui vont retranscrire le chant d’un groupe d’oiseaux.
L’eau qui s’écoule dans le réservoir hermétique, va chasser l’air qui se faufile dans les tuyaux. Les oiseaux chantent. Ce n’est qu’une fois le niveau supérieur du siphon atteint que l’eau s’écoule vers le seau qui est suspendu à une poulie. Ce seau fait la balance avec un contrepoids autour d’un axe qui permet la rotation de la chouette. Lorsque le seau devient plus lourd que ce contrepoids, il descend avec le poids de l’eau et entraine la chaine qui fait tourner la chouette. La chouette fait maintenant face aux oiseaux qui arrêtent de chanter par l’absence de mouvement d’air (l’eau s’étant enfuit vers le réservoir inférieur).
Le seau se vide par un siphon et permet à l’eau de rejoindre les égouts par un trou caché dans la base de la fontaine. Le seau devient plus léger, et le contrepoids reprend sa place, entrainant la rotation de l’axe de la chouette. L’eau remplit de nouveau le réservoir hermétique, et chasse l’air. Les oiseaux se remettent à chanter. Cela permet à l’automate d’avoir une animation cyclique.
L’animation de ce mécanisme peut être décomposée en sept étapes clés qui se répètent sans arrêt :
1. L’eau de la fontaine coule dans le récipient en forme d’entonnoir.
2. Cet eau descend par le tuyau et commence à remplir le réservoir.
3. Le niveau d’eau monte dans le réservoir. L’eau, en prenant place, chasse l’air au travers des tuyaux des arbres, qui sont munis de sifflets. Les oiseaux se mettent à gazouiller. Pendant ce temps, la chouette est toujours dos aux oiseaux.
4. Lorsque le niveau est assez haut, l’eau s’écoule par le siphon. Les oiseaux s’arrêtent de chanter.
5. L’eau remplit le seau qui est suspendu à la poulie. Il devient plus lourd que le contrepoids et il descend en entrainant la chaine qui fait tourner l’axe de la
chouette.
6. La chouette se retrouve face aux oiseaux qui ne chantent plus.
7. L’eau du seau s’écoule vers les égouts. Le seau redevient plus léger. Le contrepoids descend. La chouette se retourne. L’eau recommence à remplir le réservoir et les oiseaux se remettent à chanter.
La fontaine animée de la chouette et des oiseaux chanteurs est le seul automate présenté qui ne propose pas d’interaction humaine. En effet, le mécanisme fonctionne de manière indépendante si la source d’eau courante n’est pas interrompue.
L’automate peut aussi bien être utilisé dans les sanctuaires (le sifflement intermittent des oiseaux permet de sonoriser un lieu sacré dédié à la nature), que dans les rues d’une ville en l’installant à l’intérieur des fontaines publiques.
Héron, Pneum. 1, 16
Αἱ μὲν οὖν φωναὶ γίνονται διὰ τῶν συρίγγων· διάφοροι δὲ τοῖς ἤχοις γίγνονται, τῶν συρίγγων ἤτοιλεπτοτέρων γινομένων … ἤτοι καὶ παρεκτεινομένων εἰς μῆκος ἢ καὶ συστελλομένων καὶ τοῦ βαπτιζομένου μέρους εἰς τὸ ὕδωρ ἤτοι πλείονος ἢ ἐλάττονος γινομένου, ὥστε διὰ τοιούτου τρόπου ὀρνέων πλειόνων διαφόρους γίγνεσθαι φωνάς. κατασκευάζεται οὖν ἤτοι ἐν κρήνῃ ἢ ἐν ἄντρῳ ἢ καθόλου ὅπου ἐπίρρυτον ὕδωρ ἐστίν, ὄρνεα πλείονα διακείμενα καὶ τούτοις παρακειμένη γλαύξ, ἥτις ἐπιστρέφεται αὐτομάτως παρὰ τὰ ὄρνεα καὶ πάλιν ἀποστρέφεται· καὶ ἀποστραφείσης μὲν φθέγγονται τὰ ὄρνεα, ἐπιστραφείσης δὲ πρὸς αὐτὰ οὐκέτι φθέγγονται. Kαὶ τοῦτο πλεονάκις γίνεται. Kατασκευάζεται δὲ τὸν τρόπον τοῦτον.
Ἔστω κρουνισμάτιον ἀεὶ ῥέον τὸ Α· τούτῳ δὲ ὑποκείσθω στεγνὸν ἀγγεῖον τὸ ΒΓΔΕ ἔχον πνικτὸν διαβήτην ἢ καμπύλον σίφωνα τὸν ΖΗ καὶ καθιεμένην χώνην τὴν ΘΚ, ἧς ὁ καυλὸς ἀπεχέτω ἀπὸ τοῦ πυθμένος τοῦ ἀγγείου ὅσον ὕδατι διάρρυσιν. ἐχέτω δὲ καὶ πλείονα συριγγίδια, οἷα εἴρηται, ὄντα τὰ Λ. συμβήσεται οὖν πληρουμένου μὲν τοῦ ΒΓΔΕ ἀγγείου τὸν ἀέρα τὸν ἐν αὐτῷ ἐκθλιβόμενον καὶ τὰς τῶν ὀρνέων ποιεῖν φωνάς, κενουμένου δὲ μετὰ τὴν πλήρωσιν διὰ τοῦ ΗΖ διαβήτου μηκέτι φθέγγεσθαι.
ἵνα οὖν ἡ γλαὺξ ἐπιστρέφηται καὶ ἀποστρέφηται, ὡς προ είρηται, προκατασκευάζεται τὰ μέλλοντα λέγεσθαι· ἔστω γὰρ ἐπί τινος βάσεως τῆς Μ ἄξων βεβηκὼς ὁ ΝΞ ἀπὸ τόρνου εἰργασμένος, περὶ ὃν περικείσθω ἁρμοστὴ σύριγξ ἡ ΟΠ εὐλύτως δυναμένη περὶ αὐτὸν στρέφε-σθαι· ταύτῃ δὲ συμφυὲς ἔστω τυμπάνιον τὸ ΡΣ, ἐφ’ ᾧ ἐπιβήσεται ἡ γλαὺξ συμφυὴς αὐτῷ ὑπάρχουσα· περὶ δὲ τὴν ΟΠ σύριγγα δύο ἁλύσεις ἐπὶ τἀναντία ἐπειληθεῖσαι αἱ ΤΥ, ΦΧ διὰ τροχίων δύο ἀποδεδέσθωσαν ἡ μὲν ΤΥ εἰς βάρος ἐκκρεμάμενον τὸ Ψ, ἡ δὲ ΦΧ εἰς κοῖλον ἀγγεῖον τὸ Ω ὑποκείμενον τῷ ΖΗ σίφωνι ἢ πνικτῷ διαβήτῃ. συμβήσεται οὖν κενουμένου τοῦΒΓΔΕ ἀγγείου τὸ ὑγρὸν φέρεσθαι εἰς τὸ Ω ἀγγεῖον καὶ ἐπιστρέφεσθαι τήν τε ΟΠ σύριγγα καὶ τὴν γλαῦκα, ὥστε βλέπειν πρὸς τὰ ὀρνιθάρια, κενωθέντος δὲ τοῦ ΒΓΔΕ ἀγγείου κενοῦσθαι καὶ τὸ Ω διά τινος ἐν αὐτῷ πνικτοῦ διαβήτου ἢ καμπύλου σίφωνος, ὥστε πάλιν καταβαρῆσαν τὸ Ψ βάρος ἀποστρέψαι τὴν γλαῦκα κατὰ τὸν καιρὸν ἐκεῖνον, ὅτε πληροῦται τὸ ΒΓΔΕ ἀγγεῖον καὶ πάλιν αἱ τῶν ὀρνέων γίνονται φωναί.
Ainsi donc, les sons se produisent à travers les tuyaux ; et il y a une différence dans les bruits produits selon que l’on a des tuyaux plus minces < ou plus épais >, ou plus étirés en longueur ou plus courts, et selon que la partie immergée dans l’eau est plus ou moins grande ; et ainsi, grâce à un tel procédé, on produit dans sa variété le chant de plusieurs oiseaux. On construit donc, soit sur une fontaine soit dans une grotte, ou partout où il y a de l’eau qui coule, plusieurs oiseaux et à côté d’eux une chouette qui se tournera automatiquement vers les oiseaux puis du côté opposé ; quand elle s’est détournée, les oiseaux chantent, quand elle se tourne vers eux ils cessent de chanter ; et cela se répète. Voici comment on réalise cette construction.
Soit A un jet d’eau qui coule toujours ; plaçons en dessous un vase étanche BΓ∆E muni d’un siphon confiné ou d’un siphon recourbé ZH, et d’un entonnoir ΘK qui s’insère dans le vase, et dont le tube ne doit être éloigné du fond que de manière à laisser un passage à l’eau. Il doit y avoir aussi plusieurs petit tuyaux, comme on l’a dit, qui sont les tuyaux A. Il se produira donc que, pendant que le vase BΓ∆E se remplira, l’air qu’il contient sera expulsé et produira le chant des oiseaux, et que, une fois plein, quand il se videra par le siphon cavalier HZ, ils ne chanteront plus.
Donc, pour que la chouette se tourne vers les oiseaux puis dans le sens opposé, comme on l’a dit précédemment, on fait d’avance la construction qui va être indiquée. Soit, fixé sur une base M, un axe tourné NΞ, et ajustons-lui un tube OΠ, qui puisse tourner librement autour de lui ; à ce tube, adaptons solidement un petit disque PΣ, sur lequel sera placée la chouette, qui lui sera solidement fixée. et autour du tube OΠ, deux chaînes TΥ et ΦX, enroulées en sens contraire et passant par deux poulies ; à TΥ est suspendu un poids Ψ, et l’extrémité de ΦX est attachée à un vase vide Ω placé au-dessus du siphon ZH, ou siphon confiné. Il se produira donc que, pendant que le vase BΓ∆E se videra, le liquide passera dans le vase Ω et fera tourner en même temps le tube OΠ et la chouette, de sorte qu’elle regardera vers les oiseaux, tandis que le vase BΓ∆E une fois vide, Ω aussi se videra par un siphon confiné ou par un siphon recourbé qu’il contient, de sorte que le poids Ψ, reprenant le dessus, fera se détourner la chouette, au moment où le vase BΓ∆E se remplira et où de nouveau les oiseaux chanteront.