Le XXe siècle a été celui des deux grandes maquettes de la Rome antique : celle de Paul Bigot d’abord, réalisée pour l’essentiel entre 1904 et 1911 à l’échelle 1/400, puis celle d’Italo Gismondi réalisée entre 1933 et 1937 à l’échelle 1/250. En fait, Paul Bigot n’avait pas réalisé une seule maquette de la Rome antique : il avait fait différentes copies de son œuvre de départ. Un exemplaire de ces copies fut entreposé à l’Institut d’art et d’archéologie de Paris mais ne survécut pas aux événements de 1968. Un autre fut envoyé à Philadelphie pour une exposition mais son sort ne fut pas plus heureux. Finalement, il ne reste aujourd’hui que deux exemplaires du travail de Paul Bigot : l’original conservé à l’Université de Caen-Normandie et une copie déposée aux Musées royaux d’art et d’histoire de Bruxelles. Ces deux exemplaires ont un rendu assez différent de par la différence de traitement du plâtre. P. Bigot avait verni sa maquette originale avec un verni ocre, laissant à la ville la couleur homogène qu’elle revêt au soleil couchant. L’exemplaire de Bruxelles fut quant à lui livré blanc et il fut peint ensuite en respectant autant que possible la couleur des éléments dans leur état naturel.
Les auteurs des deux maquettes ont choisi le début du IVe siècle p.C. comme point de référence pour leur représentation. Dans la perspective de la restitution, le choix de cette période permet à la fois d’offrir le meilleur point de vue pour une comparaison entre les ruines actuelles et la “restauration” (le dernier état des monuments qualifiés d’ “antiques” dans notre terminologie est généralement celui du IVe siècle p.C.) et de disposer des informations archéologiques les plus lisibles pour les plans au sol, la nature des matériaux employés et le style de l’ornementation.
En parallèle de ces deux grandes maquettes physiques, deux maquettes virtuelles globales de la Rome antique actuellement en cours de construction, celle de l’Université de Virginie aux États-Unis (projet Rome Reborn – www.romereborn.virginia-edu) et celle de l’Université de Caen-Normandie ont également pris cette période comme point de référence. Outre les raisons évoquées ci-dessus, le choix de l’équipe caennaise permet évidemment de nouer un lien étroit entre la maquette en plâtre de Paul Bigot et la maquette informatique. En effet les deux maquettes ne s’opposent pas : elles se complètent, elles se répondent. Les “nouvelles technologies”, pour reprendre cette expression consacrée, offrent en fait quatre nouvelles possibilités : 1. la quasi immatérialité du support qui permet des modifications relativement aisées et un stockage pratiquement infini des différentes versions (La maquette de P. Bigot occupe 70 m2, celle d’I. Gismondi 240 m2… Leur mise à jour est impossible dans l’esprit de la conservation du patrimoine et le stockage de plusieurs versions serait techniquement irréalisable) ; 2. la réalité virtuelle grâce à laquelle on peut s’immerger à “échelle humaine” dans le modèle et interagir avec lui ; 3. le multimédia qui associe l’image (animée ou fixe), le texte (par exemple les sources anciennes sur lesquelles s’appuie la restitution) et le son ; 4. l’accès à distance via l’INTERNET. Mais en aucun cas la maquette virtuelle ne vient rendre obsolète la maquette physique qui reste un objet d’art classé “monument historique” et un témoin des connaissances sur Rome dans la première moitié du XXe siècle.