L’exploitation des sources
Le premier travail est la recherche et l’exploitation des sources.
Celles-ci sont de trois ordres : les textes, l’iconographie et l’archéologie proprement dite. Les textes eux-mêmes se répartissent en deux catégories : la littérature et l’épigraphie, cette dernière étant surtout utilisable sur le plan lexicographique et pour appréhender des domaines d’utilisation qui n’apparaissent pas dans les textes littéraires. Parmi ceux-ci nous avons quelques textes techniques qui nous décrivent précisément certaines machines : c’est le cas pour les machines de levage des charges, les machines élévatrices d’eau, les machines de guerre, l’artillerie, le moulin à eau, l’orgue hydraulique. Mais nous devons aussi parcourir l’ensemble de la littérature pour trouver des mentions éparses nous donnant des informations sur le lexique, l’utilisation, les performances. La peinture, les mosaïques, la sculpture, les terres cuites représentent parfois des systèmes mécaniques (machines de levage, machines de jet, vis d’Archimède, orgue hydraulique, velum, etc.) et, malgré l’imprécision générale du dessin, les renseignements obtenus sont précieux pour confirmer ou compléter l’information provenant des textes ou des restes découverts. Ceux-ci sont rares, nous l’avons dit en introduction, du fait que la plupart des machines étaient en bois et ne se sont pas conservées, mais nous trouvons aussi des traces d’implantation de systèmes mécaniques dans des maçonneries : supports de mâts pour le velum, socles d’horloge hydraulique, marques de roues à eau etc.
À partir de ces sources nous pouvons reconstituer des plans plus ou moins détaillés (quelquefois très détaillés), des maquettes. Nous pouvons aussi évaluer les performances et connaître au moins une partie des domaines d’utilisation.
La restitution virtuelle
Dans un premier temps, la restitution virtuelle en trois dimensions sert à représenter et à montrer. Elle apporte au moins quatre possibilités supplémentaires par rapport à la représentation en deux dimensions : multiplier à l’infini les points de vue, tourner autour des objets, les manipuler et les animer. La première possibilité est liée au fait que l’objet étant modélisé et texturé, il devient « photographiable » sous différents angles, comme un objet réel et même plus qu’un objet réel, puisqu’il suffit de rendre certaines textures transparentes pour photographier l’intérieur (ce qui est souvent précieux dans le domaine de la mécanique). Tandis que cette première possi¬bilité nous donne des vues fixes (en fait des vues en 2D …), les trois autres possibilités utilisent la capacité d’animer les objets virtuels. On peut d’abord tourner autour comme on tournerait autour d’une vitrine de musée. On peut aussi le manipuler : tirer un levier, tourner un treuil, faire avancer. On peut enfin réaliser une animation expliquant et illustrant le fonctionnement.
Perspectives
Les perspectives sont de sortir du cadre « représentation – démonstration » pour entrer dans celui de la « simulation – validation ». Il s’agit de reconstruire virtuellement les machines pour expliquer et montrer leur fonctionnement mais aussi pour tester sur le modèle virtuel leur efficacité et leurs performances. Pour une machine de levage par exemple, il s’agirait de voir, à partir d’une force donnée appliquée sur le levier du treuil, quel poids elle est capable de soulever en prenant en compte naturellement les effets du frottement et les capacités de résistance des différentes pièces composant la machine. Le même principe pourrait être appliqué au système du vélum. Dans l’exemple de l’orgue hydraulique il s’agirait de faire « jouer » l’orgue en tenant compte de la pression de l’air, du bruit des différentes pièces en action, de la sonorité des tuyaux en fonction du matériau utilisé : à partir d’un clavier virtuel différentes hypothèses pourraient être proposées.
Les recherches qui sont présentées sur le site sont des recherches en évolution et en cours, d’où le caractère encore imparfait des images et des animations proposées. Ce qui est acquis c’est l’aide apportée par la restitution virtuelle : en aval des recherches pour la démonstration, la visualisation et l’explication, mais avec aussi un retour en amont par la nécessaire rigueur et surtout l’exhaustivité imposées par les trois dimensions. Comme en architecture, si la 2D permet de cacher, tout au moins d’ignorer un certain nombre de choses, la 3D est impitoyable : tout doit être reconstitué. Cette exigence ouvre parfois les yeux du chercheur sur des hypothèses qu’il n’aurait peut-être pas imaginées autrement.