Le colosse commandé par Néron pour orner le vestibule de sa Domus Aurea a été déplacé par Hadrien à proximité du Colisée, en vue de libérer l’espace pour construire le temple de Vénus et Rome.
Le Colosse est une statue monumentale de plus de 32 m de haut commandée par Néron pour le représenter dans la nudité héroïque dans le vestibule de son nouveau palais. Il est cité dans les textes. Les Régionnaires de Rome par exemple indiquent que le colosse portait une « couronne solaire » au IVe siècle ap. J.-C. et que chacun des sept rayons mesurait plus de 6 m de long. Il est difficile d’estimer la part de réfection réalisée sur le Colosse à cette époque puisque Néron s’était peut-être déjà fait représenter avec les traits du soleil. Un médaillon de l’empereur Gordien III (238-244 ap. J.-C.) le représente à côté du Colisée : on voit que Néron tient dans sa main droite un gouvernail et peut-être un globe dans sa main gauche ; si l’interprétation est bonne, le symbole est “l’empereur gouvernant le monde”. C’est l’emplacement qu’il occupe à partir de l’époque d’Hadrien. Celui-ci fera en effet déplacer le Colosse pour construire le Temple de Vénus et Rome à l’emplacement de l’ancien vestibule de la Domus Aurea qui entre deux avait été transformé en portique ouvert au public. La base du deuxième emplacement a même été découverte en 1828 et malheureusement détruite en 1933 pour laisser passer la voie des Forums impériaux. On a aussi retrouvé à l’époque les traces de la statue sur la base et ainsi pu voir qu’il y avait trois points d’appui. Maintenant seul est visible le marquage de l’emplacement du socle de la statue. La statue elle-même a disparu au VIe siècle mais elle a eu le temps de donner son nom à l’amphithéâtre Flavien dont elle était proche.
Ce qu’on ne mesure probablement pas suffisamment aujourd’hui, ce sont l’exploit technique qu’elle représente et son impact sur l’urbanisme de Rome. On connaît l’auteur de cet exploit, Zénodoros, qui avait déjà réalisé une statue monumentale de Mercure placée dans le sanctuaire de ce dieu au sommet du Puy de Dôme comme le raconte Pline :
Pline l’Ancien, Histoire naturelle, 34, 18 : « La dimension de toutes les statues de ce genre [= statues colossales, y compris le colosse de Rhodes] a été surpassée de notre temps par le Mercure que Zénodoros a fait pour la cité gauloise des Arvernes, au prix de 400 000 sesterces pour la main-d’œuvre, pendant dix ans ».
La statue réalisée par Zénodoros pour Néron est la plus grande statue jamais réalisée dans l’Antiquité. Elle dépasse légèrement en hauteur le Colosse de Rhodes réalisé entre la fin du IIIe siècle et le début du IIe siècle a.C. par Charès de Lindos, un élève de Lysippe, statue qui est classée parmi les sept merveilles du monde et qui eut pourtant une vie beaucoup moins longue que la statue de Néron puisqu’elle fut détruite par un tremblement de terre soixante-six ans après sa construction.
L’exploit concerne non seulement les techniques de fonte et d’assemblage mais aussi l’étaiement de la structure interne de la statue, les échafaudages et les moyens de levage nécessaires pour une telle hauteur. Dans le cas d’une statue de bronze, la progression de la difficulté en fonction de la hauteur est une courbe exponentielle. Sextus Empiricus (M. 7, 107), à la fin du IIe siècle ap. J.-C., dit qu’une statue double d’une autre coûte huit fois plus cher. Jamais l’exploit accompli par les ingénieurs de Néron ne fut égalé dans l’Antiquité. Nous n’avons pas d’informations sur la méthode employée par Zénodoros. Les statues colossales étaient généralement coulées par parties et les éléments étaient ensuite assemblés par rivetage. Charès, lui, avait coulé son colosse sur place, en procédant par étapes, mais en faisant les fontes l’une au-dessus de l’autre, si bien que chaque élément se trouvait soudé à l’élément inférieur (pseudo Philon de Byzance, Mirabilia, 4). Rien ne dit que la technique employée par Zénodoros fut la même.
La deuxième chose que l’on imagine mal aujourd’hui est l’impact urbanistique du colosse avant son déplacement auprès du Colisée , où il a été descendu de niveau. A l’origine, le Colosse se trouvait dans l’entrée monumentale du palais de Néron au sommet d’une colline, la Vélia. Il devait en outre se trouver sur un socle monumental (La statue de la Liberté à New-York a un socle de plus de 27 m pour une hauteur sans la main et la torche de 46,5 m) et dominer spectaculairement le centre historique de Rome. On estime que les pieds du colosse de Néron étaient à environ une dizaine de mètres au-dessus du niveau actuel de la cella de Rome (la cella occidentale du temple de Vénus et de Rome). Ces dix mètres peuvent simplement correspondre au socle de la statue dont on ignore tout ou à un arasement de la colline effectué à l’époque d’Hadrien pour construire l’immense plate-forme du temple de Vénus et Rome. D’après une toute récente hypothèse de Pier-Luigi Tucci, ce n’était pas un hasard si, du fond du forum de Vespasien, on voyait à la fois le temple construit par cet empereur et le colosse de Néron qu’il avait, selon les textes, soit rénové soit terminé.
La statue a disparu sur la maquette de P. Bigot.