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Systèmes de préhension de pierres

Vitruve (De architectura, 10, 2, 2) préconise d’utiliser des pinces de préhension pour lever des pierres.

Utiliser des pinces de préhension

Les pinces de préhensions montées sur une Chèvre à palan simple et à treuil (Ph. Fleury, La mécanique de Vitruve, Caen, Presses Universitaires de Caen, 1993, fig. 13 p. 97)

Vitruve nomme ces pinces de préhension forfices. Il s’agit de pinces en fer très recourbées ; leurs extrémités supérieures sont forgées en forme d’anneaux ou de crochets auxquels on attache deux cordes reliées à la moufle mobile du palan. Lorsque cette moufle se lève, l’effort de traction tend à rapprocher les deux extrémités supérieures des pinces et donc également leurs deux extrémités inférieures forgées en formes de pointes (dentes) qui viennent s’encastrer dans deux encoches pratiquées de chaque côté du bloc à soulever. Ce système est efficace car plus le bloc est lourd, plus l’effort de traction est grand et plus les dents de la pince serrent fermement le bloc. L’usage de ce mode de préhension est confirmé par les traces d’encoches visibles effectivement sur les pierres de plusieurs constructions de l’époque romaine (l’aqueduc de Ségovie par exemple). Ces traces, sur les faces apparentes des pierres qui ne reçoivent pas de parement, sont précisément un des inconvénients de ce système.

La description des pinces par Héron est assez confuse, c’est pourquoi nous ne la reproduisons pas ici, d’autant que le principe lui-même est simple : plus la pièce à lever est lourde et plus la pince qui la lève sert fort.

Il est également possible d’utiliser le principe de la queue d’aronde sur un système de préhension à pièces multiple. C’est ce que préconise Héron (Mec., 3, 8 – le texte est donné dans la partie “textes anciens”). Le texte renvoie aux deux figures suivantes (Carra de Vaux, « Les mécaniques ou l’élévateur d’Héron d’Alexandrie », Journal asiatique, 1893, 2, fig. 53 et 55, reprises dans Ph. Fleury, La mécanique de Vitruve, Caen, Presses Universitaires de Caen, 1993, fig. 19 et 20 p. 120 et 121).

Système de préhension d’héron à pièce unique

Système de préhension d’Héron à pièces multiples

Vitruve, 10, 2, 1 à 2 :

Tigna duo ad onerum magnitudinem ratione expediuntur. A capite fibula coniuncta et in imo diuaricata eriguntur, funibus in capitibus conlocatis et circa dispositis erecta retinentur. Alligatur in summo troclea, quem etiam nonnulli rechamum dicunt. In trocleam induntur orbiculi per axiculos uersationes habentes. Per orbiculum traicitur ductarius funis, deinde demittitur et traducitur circa orbiculum trocleae inferioris. Refertur autem ad orbiculum imum trocleae superioris et ita descendit ad inferiorem et in foramine eius religatur. Altera pars funis refertur inter imas machinae partes. In quadris autem tignorum posterioribus, quo loci sunt diuaricata, figuntur chelonia in quae coiciuntur sucularum capita, ut faciliter axes uersentur. Eae suculae proxime capita habent foramina bina ita temperata ut uectes in ea conuenire possint. Ad rechamum autem imum ferrei forfices religantur, quorum dentes in saxa forata accommodantur.

On choisit deux madriers (AA), proportionnellement à l’importance des charges. On les dresse, assemblés à leur faîte par une broche (B) et écartés du bas; on les maintient dressés par des câbles (NO), attachés aux faîtes et assujettis en différents points alentour. On fixe au sommet une chape (C), que certains appellent aussi rechamus. Dans la chape, on loge deux poulies (D) dont la rotation est assurée par des axes (L). On fait passer par la poulie la plus haute une corde de traction (E) qu’on laisse ensuite aller et qu’on engage autour de la poulie d’une chape inférieure (F). On ramène la corde à la poulie la plus basse de la chape supérieure et elle descend ainsi jusqu’à la chape inférieure, à l’oeillet de laquelle on l’attache. L’autre extrémité de la corde est ramenée entre les pieds de la machine. Sur les plats arrière des madriers, à l’endroit où ils sont écartés, on fixe des paliers (G) dans lesquels on introduit les têtes d’arbre de treuil (H), de manière que les tourillons (M) tournent facilement. Près de chacune de leurs têtes, ces arbres ont deux trous pratiqués de façon que les leviers (I) s’y encastrent. Au bas, d’autre part, de la chape inférieure sont attachées des tenailles de fer (K) dont les mâchoires s’adaptent aux entailles des blocs de pierre. (Traduction Ph. Fleury, La mécanique de Vitruve, Caen, Presses Universitaires de Caen, 1993).

Ces escaliers des arènes d’Arles gardent la trace des tenons qui ont servi à transporter les pierres. - Cliché S. MadeleineCes escaliers des arènes d’Arles gardent la trace des tenons qui ont servi à transporter les pierres. - Cliché S. Madeleine
Relief de la Via Cassia - Cliché Philippe FleuryRelief de la Via Cassia - Cliché Philippe Fleury
Relief de la Via Cassia - Cliché Philippe FleuryRelief de la Via Cassia - Cliché Philippe Fleury
Chèvre à palan double et à tambourChèvre à palan double et à tambour
Moufle inférieureMoufle inférieure
Chèvre à treuil équipée d’un palan simple à trois niveaux de pouliesChèvre à treuil équipée d’un palan simple à trois niveaux de poulies
Le forum boarium [3D] - Les Nocturnes du Plan de Rome - 01 juin 2016
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