Le temple d’Apollon fut érigé sur Palatin, près de la maison d’Auguste. Dédié en 28 av. J.-C. et souvent interprété de ce fait comme un ex-voto de la victoire d’Actium (31 av. J.-C.), il donnait une dimension sacrée à la demeure du Prince.
Le sanctuaire d’Apollon construit par Octave sur le Palatin comprend, outre le temple lui-même, un portique, une bibliothèque qui borde cet ensemble du côté Sud-Est, et un autel devant le temple qui peut être identifié avec la Roma quadrata (autel représentant de façon symbolique la Rome primitive dont Romulus avait défini le tracé sacré).
Le temple fut érigé près de la maison d’Auguste à laquelle il était intégré. Il était situé à l’emplacement qui, frappé par la foudre, paraissait avoir été choisi par les dieux eux-mêmes. Entièrement construit en marbre blanc de Luni, comme le suggère Virgile dans son Enéide « seuil de neige de l’éblouissant Phœbus », l’édifice était somptueusement décoré avec un char du soleil au faîte de son toit. Dédié en 28 av. J.-C. et souvent interprété de ce fait comme un ex-voto de la victoire d’Actium (31 av. J.-C.), il donnait une dimension sacrée à la demeure du Prince.
L’hypothèse de restitution est fondée sur l’idée que, même si la zone a été profondément modifiée par les Flaviens, le lien temple-portique-bibliothèques a pu rester le même qu’à l’origine. Nous sommes dans le cadre d’un “sanctuaire-palais” avec un ensemble qui se rapproche de l’acropole de Pergame. Le temple d’Apollon, endommagé notamment par les incendies de 64 ap. J.-C. sous Néron, de 80 ap. J.-C. sous Domitien, de 191-192 ap. J.-C. sous Commode, est l’élément de permanence : il a toujours été reconstruit sur le même emplacement et probablement avec la même apparence.
Parmi les sources textuelles ou épigraphiques relativement nombreuses qui concernent ce secteur, nous n’en citerons que quelques-unes, à commencer, naturellement, par Properce, qui écrit au moment de la fondation du sanctuaire par Octave (Prop. 2,31,1-16) :
Quaeris, cur ueniam tibi tardior ? Aurea Phoebi
porticus a magno Caesare aperta fuit.
Tanta erat in speciem Poenis digesta columnis,
inter quas Danai femina turba senis.
+ Hic equidem Phoebo + uisus mihi pulchrior ipso
marmoreus tacita carmen hiare lyra ;
atque aram circum steterant armenta Myronis,
quattuor artifices, uiuida signa, boues.
Tum medium claro surgebat marmore templum
et patria Phoebo carius Ortygia
in quo Solis erat supra fastigia currus
et ualuae, Libyci nobile dentis opus ;
altera deiectos Parnasi uertice Gallos,
altera maerebat funera Tantalidos.
Deinde inter matrem deus ipse interque sororem
Pythius in longa carmina ueste sonat.
“Tu me demandes pourquoi je t’arrive en retard ? Le grand César a ouvert le portique d’or de Phébus. Il était si grand à voir, alignant les colonnes puniques entre lesquelles se trouvent en foule les filles du vieux Danaos ! Elle m’a paru plus belle assurément que Phébus lui-même, sa statue de marbre ouvrant la bouche pour chanter, avec sa lyre silencieuse ; et autour de l’autel se tenait le troupeau de Myron, des bœufs, quatre œuvres d’art, statues vivantes. Puis se dressait au milieu le temple de marbre éclatant et plus cher à Phébus que sa patrie d’Ortygie : au sommet, en or, le char du Soleil ; et les portes, chef d’œuvre d’ivoire libyen, l’une déplorant les Gaulois rejetés des hauteurs du Parnasse et l’autre les deuils de la Tantalide. Enfin, entre sa mère et sa sœur, le dieu lui-même, Apollon Pythien, dans un long vêtement, fait résonner ses chants” (trad. S. Viarre).
Ce texte nous donne les principaux volumes : un portique avec des statues de Danaïdes, un autel avec des bœufs sculptés par Myron, un temple surmonté du char du soleil, et les principales textures : un portique doré, des colonnes puniques (en giallo antico), un temple en marbre éclatant, des portes en ivoire. L’autel dont il est question peut être identifié avec la Roma quadrata.
Quelques années après Properce, Ovide confirme les informations précédentes et ajoute quelques éléments supplémentaires (Ov., Trist., 3.1.59-64) :
Inde tenore pari gradibus sublimia celsis
ducor ad intonsi candida templa dei,
signa peregrinis ubi sunt alterna columnis,
Belides et stricto barbarus ense pater,
quaeque uiri docto ueteres peperere nouique
pectore, lecturis inspicienda patent.
“Nous poursuivons notre route et mon guide me conduit vers un temple de marbre blanc, au sommet de hautes marches, le temple du dieu à la longue chevelure, là où l’on voit, entre les colonnes de pierre exotique, les statues des Bélides et de leur barbare père, l’épée à la main. Les doctes pensés des anciens et des modernes y sont à la disposition des lecteurs” (trad. J. André).
Les éléments confirmés sont le “temple blanc” (candida templa / Properce : claro marmore templum), les colonnes du portique en “pierre exotique” (peregrinae columnae / Properce : Poenae columnae), les “statues des Bélides [i.e. les Danaïdes] entre les colonnes” (signa alterna columnis, Belides / Properce : columnae inter quas Danai femina turba senis). Les éléments supplémentaires sont les escaliers élevés et les bibliothèques.
Un siècle plus tard, Suétone confirme la date de construction, la présence de portiques et de bibliothèques en plus du temple. Il ajoute que le Sénat pouvait se réunir dans les bibliothèques (Suet., Aug., 29.1-8) :
Templum Apollinis in ea parte Palatinae domus excitauit, quam fulmine ictam desiderari a deo haruspices pronuntiarant ; addidit porticus cum bibliotheca Latina Graecaque, quo loco iam senior saepe etiam senatum habuit decuriasque iudicum recognouit.
“Il fit élever le temple d’Apollon dans une partie de sa maison du mont Palatin qui avait été frappée de la foudre, et que ce dieu, d’après la réponse des haruspices, réclamait pour lui ; il y ajouta des portiques avec une bibliothèque latine et grecque ; souvent même, lorsqu’il était déjà vieux, c’est en cet endroit qu’il rassembla le sénat et passa en revue les décuries des juges” (trad. H. Ailloud).
La restitution du temple se fonde sur des éléments relativement sûrs. Le podium est en grande partie conservé. Sa hauteur est de 4,68 m. En comptant les marches qui séparent la base du podium du dernier état du sol du portique, il surplombe la cour d’environ 5,75 m. Sa largeur est d’environ 25 m. Les colonnes à 24 cannelures ont été restituées à partir de fragments conservés. Leur chapiteau est de style corinthien. Leur hauteur est estimée à 14,68 m et celle de l’entablement a 2,67 m environ. Deux fragments du jambage de la porte ont été retrouvés au cours des fouilles. A l’époque de Properce, les vantaux étaient décorés de bas-reliefs en ivoire. Le matériau utilise pour le parement du podium et l’élévation du temple est le marbre blanc (Verg., Aen., 8, 720-723). Des traces de peinture ont été repérées sur les chapiteaux, l’entablement et le montant de la porte. Les chapiteaux sont dorés à l’exception de la corbeille (calathos), du bord des fleurs, des contours des volutes et des feuilles d’acanthes qui sont peints en vert. Trois nuances d’ocre sont visibles sur l’architrave : un ocre clair sur les côtés et le dessous du bandeau inférieur, un ocre brunâtre sur les côtés du bandeau supérieur et un ocre proche du rouge fonce sur le bord saillant séparant
ces deux bandeaux. Les denticules de la frise sont peints en jaune vif tandis que la zone environnante est en bleu égyptien. Les modillons et les surfaces qui les séparent sont en jaune clair. Un moulage peint en ocre fonce couronne les denticules et un autre en vert surmonte les modillons.