Balances
Les balances se nomment trutina ou libra en latin. Vitruve mentionne aussi au chapitre III de son livre X la statera, mot propre pour désigner la “balance romaine” (à contrepoids). Les mots trutina et libra sont plus généraux et s’appliquent aussi bien à la balance à double plateau qu’à la balance à contrepoids. Cependant libra est généralement considéré comme le mot désignant la balance à double plateau. Sur ces problèmes, voir A. Machabey, Mémoire sur l’histoire de la balance et de la balancerie, Paris, Imprimerie Nationale, 1949 et D.K. Hill, “When Romans went shopping”, Archaeology, 5, 1952, p. 51-55.
La Statera (Ph. Fleury, La mécanique de Vitruve, Caen, Presses Universitaires de Caen, 1993, fig. 6 p. 69)
Le type de balance auquel fait allusion Vitruve est communément appelé “balance romaine” (statera) : il s’agit d’une balance à un seul plateau et à contrepoids que l’on tient en suspension au moyen d’une poignée (ansa). On a retrouvé plusieurs pesons de ce type à Pompéi. La balance à double plateau (libra) était également connue des Romains, mais Vitruve n’en tient pas compte ici, car sa condition d’équilibre est beaucoup plus simple.
L’anse est donc à la balance romaine ce qu’est le point d’appui au levier : l’axe de rotation (centrum) ; et c’est là que se situe pour Vitruve le principe de la ligne droite (porrectum) dans cette “machine”. Le principe du cercle est représenté par la rotation des extrémités du fléau, comme il était représenté par le mouvement de rotation des bras dans le levier, mais, cette fois, caput désigne le bras court et non le bras long comme dans le levier. Là non plus Vitruve ne donne pas la formule d’équilibre, mais elle est simple : soit un fléau en équilibre lorsqu’il est tenu par la poignée, soit P le poids à mesurer, L la distance du point de suspension de ce poids à la poignée, P’ le poids du contrepoids et L’ la distance du contrepoids à la poignée : P x L = P’ x L’ => P = (P’ x L’)/L. Puisque L et P’ sont des valeurs fixes, il est facile de mesurer P grâce à L’. Imaginons par exemple une balance où P’ = 0,5 kg et L = 2 cm ; si, pour équilibrer P, il faut déplacer le contrepoids d’une distance L’ = 20 cm, P = (0,5 x 20)/2 = 5 kg. Il suffira donc de graduer correctement le fléau pour obtenir une lecture directe.
Héron évoque à deux reprises les problèmes de la balance et cette question devait être souvent débattue par les mécaniciens à côté de la question du levier, car il fait allusion à des livres sur les leviers dans lesquels Archimède aurait démontré les conditions d’équilibre d’un fléau et, dans ses Questions de mécanique, le Pseudo-Aristote lie également les problèmes de la balance à ceux du levier. Au livre I des Mécaniques, Héron traite de l’équilibre d’un fléau de balance pour lui-même, mais il le fait de manière beaucoup plus théorique que Vitruve, sans s’attacher à un type précis d’appareil. Il est également plus complet que le Romain, car il tient compte du poids du fléau :
Beaucoup de gens pensent que, lorsque, dans la balance, les poids appliqués à certaines distances du point de suspension se font équilibre, les poids sont inversement proportionnels à leurs distances respectives. Mais il ne faut pas énoncer cela sous cette forme négligée ; nous devons introduire une autre distinction. Supposons que AB soit le fléau d’une balance ayant partout même poids et même épaisseur. Il est suspendu en son milieu, au point G ; on accroche à des points quelconques, E et D par exemple, des cordes ; soient DF, EG ces deux cordes et on y suspend deux poids. Le fléau est horizontal après qu’on a équilibré les poids. Imaginons que les deux cordes passent aux points HK ; le fléau étant en équilibre, la distance HC sera à CK comme le poids G au poids F. C’est ce qu’a démontré Archimède dans ses livres sur les leviers. Si nous retranchons du fléau de la balance ce qui avoisine les deux extrémités, c’est-à-dire les parties HA, KB, le fléau n’est plus en équilibre (Héron, Mec. 1, 32-33 (Carra de Vaux, 2, p. 188-189)).
Héron s’applique ensuite à la même démonstration pour un fléau irrégulier, s’appuyant une nouvelle fois sur les écrits d’Archimède. Nous ne possédons plus ces écrits dans lesquels le Syracusain aurait parlé directement du levier et de la balance. Le seul traité qui nous reste de lui sur ces problèmes est le traité De l’équilibre des figures planes, mais ce ne peut être celui auquel fait allusion Héron, car la démonstration y est différente. Il s’agit probablement de l’ouvrage mentionné par Héron dans l’autre passage où il traite du problème de la balance. Nous avons déjà cité cet extrait plus haut. Héron y expose sa théorie des cercles et il est amené à réduire le diamètre du plus grand cercle à un fléau de balance.
Vitruve, De architectura, 10, 3, 4 :
Cum enim ansa propius caput, unde lancula pendet, ibi ut centrum est conlocata et aequipondium in alteram partem scapi, per puncta uagando, quo longius aut etiam ad extremum perducitur, paulo et inpari pondere amplissimam pensionem parem perficit per scapi librationem et examinationem .
Lorsque la poignée, qui constitue l’axe, est placée tout près de l’extrémité à laquelle est suspendu le plateau et à mesure qu’en se déplaÇant au long des graduations le contrepoids est amené vers l’autre côté du fléau ou même jusqu’à son bord, la masse faible et inégale du contrepoids devient équivalente à celle d’une très lourde pesée, en établissant l’horizontalité et l’équilibre du fléau.