Odomètre terrestre d’Héron

L’odomètre est une machine de mesure des distances.

L’utilisation du compteur d’Héron est beaucoup plus aisée que celle du compteur de Vitruve.

L’Odomètre d’Héron (Ph. Fleury, La mécanique de Vitruve, Caen, Presses Universitaires de Caen, 1993, fig. 47 p. 213)

La grande roue verticale est remplacée par plusieurs petites roues moins encombrantes et la boîte qui renferme le système est indépendante du chariot : elle peut donc être facilement changée en cas de besoin.

La lecture des cadrans s’effectue de la manière suivante en théorie (c’est-à-dire en admettant qu’un tour de vis corresponde exactement à une dent de la roue dentée) :

  • sur le cadran I : une graduation = 5400 stades
  • sur le cadran II : une graduation = 180 stades
  • sur le cadran III : une graduation = 3 stades
  • sur le cadran IV : une graduation = 1/5 de stade.

Dans la pratique il est impossible de réaliser un ajustage tel qu’un tour de vis corresponde exactement à une dent de roue dentée. Aussi doit-on étalonner le système et indiquer sur chaque roue d’engrenage la distance correspondant au déplacement d’une dent. L’exemple choisi par Héron donnerait sur le cadran III une graduation équivalant à 4 stades (au lieu de 3). Puisque le cadran I possède 30 graduations, comme les trois autres cadrans, l’odomètre d’Héron peut totaliser jusqu’à 162 000 stades en théorie, soit plus de 28 000 km. C’était largement suffisant pour l’époque, mais rien n’empêchait, comme l’indique Héron, d’ajouter encore des roues pour augmenter sa capacité.

L’appareil du mécanicien grec est enfin plus précis que celui de Vitruve, puisqu’il peut compter au 1/5 de stade (31,5 m), alors que celui de Vitruve ne compte qu’au mille (1478 m).

Héron, Dioptre, 34 (trad. A.J.H. Vincent, Le traité de la Dioptre d’Héron d’Alexandrie. (Extraits des manuscrits relatifs à la géométrie pratique des Grecs) : Notices et extraits des manuscrits de la bibliothèque impériale, 19, 2, 1858, p. 307-315) – les lettres de la traduction renvoient au schéma de l’odomètre d’Héron présenté dans la description de la machine.

Que l’on imagine un appareil en forme de boîte ou cassette, dans l’intérieur de laquelle sera contenue tout entière la machine que nous avons à décrire. Sur la base de cette cassette repose une roue de cuivre (A), portant, implantées près de son bord [et parallèlement à son axe], un certain nombre de palettes [huit par exemple]. Sur ce même fond s’ouvre une fente, dans laquelle une tige, fixée sur le moyeu (B) d’une des roues de la voiture, s’engageant à chaque tour, pousse en avant l’une des palettes, qui se trouve remplacée par la suivante ; et de même indéfiniment. D’où il résulte que, quand la roue de la voiture aura fait huit révolutions, la roue à palettes en aura fait une. Or, au centre de cette dernière, est plantée perpendiculairement, par une de ses extrémités, une vis (C) qui, par son autre extrémité, est engagée dans une traverse (D)6 fixée aux parois de la boîte. Cette vis s’applique contre une roue dentée (E) dont les dents engrènent avec elle, et dont le plan est perpendiculaire à la base de la boîte. Cette roue dentée porte également un axe (F) dont les extrémités pivotent contre les parois de la cassette ; et une partie de cet axe présente des spires (G) creusées à sa surface, de manière qu’il devient lui-même une vis. De même, contre cette nouvelle vis s’applique une roue dentée (H) parallèle au fond de la cassette ; sur cette roue est pareillement implanté un axe (I) dont une extrémité pivote sur le fond, tandis que l’autre se rend dans la traverse (D) fixée aux parois ; et cet axe porte pareillement une vis (J) qui engrène avec les dents d’une autre roue (K) placée perpendiculairement au fond. Et cela se continuera tant que nous voudrons, ou tant qu’il y aura de la place dans la boîte : car, plus les roues et les vis seront nombreuses, plus longue sera la route que l’on pourra mesurer. En effet, chaque vis, en faisant un tour, fait mouvoir une dent de la roue contre laquelle elle s’applique ; de telle sorte que la vis qui fait corps avec la roue à palettes, en tournant une fois, indique huit révolutions de la roue de la voiture, tandis qu’elle ne fait mouvoir qu’une seule dent de la roue sur laquelle elle agit. Si donc cette dernière a, par exemple, 30 dents, lorsqu’elle aura fait un tour complet par l’impulsion de la vis, elle indiquera 240 tours de la roue de la voiture. De même, la susdite roue dentée, en faisant une révolution, fera faire un tour à la vis implantée sur son plan, et une seule des dents de la roue suivante sera poussée en avant. Par conséquent, si cette nouvelle roue a encore 30 dents (c’est un nombre raisonnable, et il pourrait être bien plus grand), en faisant une révolution, elle indiquera 7200 tours de la roue de la voiture. Supposons à cette dernière 10 coudées de circonférence, ce sera 72 000 coudées, c’est-à-dire 180 stades. Ceci s’applique à la seconde roue dentée ; s’il y en a d’autres, et si le nombre des dents augmente aussi, la longueur du voyage qu’il sera possible d’évaluer augmentera proportionnellement. Mais il convient de se servir d’un appareil construit de telle manière que le chemin qu’il pourra indiquer ne dépasse pas de beaucoup celui que l’on peut faire en un jour avec la voiture, parce qu’on peut tous les jours, après avoir mesuré la route de la journée, recommencer de nouveau pour la route suivante.

Ce n’est pas tout : comme un tour de chaque vis ne correspond pas, avec une exactitude et une précision mathématiques, à l’échappement d’une dent, nous ferons, dans une expérience expresse, tourner la première vis jusqu’à ce que la roue qui engrène avec elle ait accompli un tour et nous compterons le nombre de fois que la vis aura tourné. Supposons, par exemple, qu’elle ait tourné 20 fois pendant que la roue adjacente a fait une seule révolution ; cette roue avait 30 dents : donc 20 tours de la roue à palettes correspondent à 30 dents de la roue dentée conduite par la vis. D’un autre côté, les 20 tours font échapper 160 palettes, ce qui fait un pareil nombre de tours de la roue de la voiture, c’est-à-dire 1600 coudées ; par conséquent, une seule dent de la roue dentée précédente indique 53 1/3 coudées. Ainsi, par exemple, lorsque, en partant de l’origine du mouvement, la roue dentée aura tourné de 15 dents, cela indiquera 800 coudées, c’est-à-dire deux stades. Nous écrirons donc sur cette même roue dentée : coud. 53 1/3. Faisant un calcul semblable pour les autres roues dentées, nous écrirons sur chacune d’elles le nombre qui lui correspond ; et, de cette manière, lorsque nous saurons de combien de dents chacune d’elles aura avancé, nous connaîtrons par là même le chemin que nous aurons parcouru.

Maintenant, afin de pouvoir déterminer le chemin parcouru sans avoir besoin d’ouvrir la cassette pour voir les dents de chaque roue, nous montrerons comment, par le moyen de quelques index placés sur les faces extérieures, on peut évaluer la longueur de la route. Admettons que les roues dentées dont on a parlé soient disposées de manière à ne pas toucher les parois de la boîte, mais que leurs axes sortent en dehors, les saillies étant équarries de manière à recevoir des index percés de trous également carrés. De cette façon, la roue, en tournant, fera tourner avec son axe l’index, dont la pointe décrira, sur la face extérieure de cette paroi, un cercle que nous diviserons en un nombre de parties égal à celui des dents de la roue intérieure. L’index doit avoir une longueur suffisante pour décrire une circonférence plus grande que la roue, de façon que cette circonférence soit divisée en parties plus grandes que l’intervalle qui sépare les dents. Ce cercle doit porter le nombre déjà marqué sur la roue intérieure. Par ce moyen, nous verrons sur la face extérieure de la cassette la longueur de la route parcourue. S’il était impossible d’empêcher le frottement des roues contre les parois de la cassette, soit parce qu’elles s’embarrassent entre elles, soit à cause des vis adjacentes, soit pour toute autre raison, il faudrait alors les limer d’une quantité suffisante pour que l’appareil ne fût plus gêné en aucune façon.

De plus, comme les roues dentées sont les unes perpendiculaires, les autres parallèles au fond de la boîte, de même les cercles décrits par les index seront les uns sur les parois latérales de la cassette, les autres sur la partie supérieure. En conséquence, il faudra faire en sorte qu’une des parois latérales qui ne portent pas de cercle serve de couvercle, ou, en d’autres termes, il faudra que la boîte se ferme latéralement.

Odomètre décrit par Héron d’Alexandrie - Infographie : Ch. Morineau - Dossier scientifique : Ph. Fleury, 2021Odomètre décrit par Héron d’Alexandrie - Infographie : Ch. Morineau - Dossier scientifique : Ph. Fleury, 2021
Chevallier R., Les voies romaines, Paris, Colin, 1972.
Diels H., Antike Technik, Leipzig, Teubner, 1924.
Fleury P., La mécanique de Vitruve, Caen, Presses Universitaires de Caen, 1993.
Fleury P., « L’odomètre », Archéothéma : revue d’archéologie et d’histoire, vol. 28, 2013, p.  40‑42.
Fleury P., « L’odomètre d’Héron d’Alexandrie. Complément de la Dioptre », dans Argoud G. et Guillaumin J.-Y. (éds.), Autour de La dioptre d’Héron d’Alexandrie: actes du colloque international de Saint-Étienne, 17, 18, 19 juin 1999, Saint-Etienne, Université de Saint-Etienne, 2000, p.  345‑361.
Lewis M.J.T., Surveying Instruments of Greece and Rome, Cambridge, Cambridge University Press, 2001.