Palan

Selon le Petit Larousse, le palan est « un appareil de levage comportant un mécanisme démultiplicateur (poulies, moufles, train d’engrenages, tambour, etc.) qui permet de soulever des charges avec un effort moteur relativement faible ».

Dans sa description, du Palan, Héron d’Alexandrie (Mec. 2, 3) envisage quatre situations schématisées ci-dessous :

(Ph. Fleury, La mécanique de Vitruve, Caen, Presses Universitaires de Caen, 1993, fig. 16 p. 114)

Le principe du palan d’après Héron

  • « La situation A est sans aucun rapport avec un quelconque système mécanique ; il s’agit simplement d’élever un fardeau avec une corde. L’opérateur est donc nécessairement plus haut que son fardeau au point de départ et cette position va conditionner tout le reste de la démonstration, car il ne nous semble pas qu’à un quelconque moment, Héron envisage de placer l’opérateur au même niveau que le fardeau au départ. Il n’évoquera cette possibilité que dans la démonstration théorique qui suivra.
  • Dans la situation B, une seule poulie est placée sur le fardeau. La situation est alors l’inverse de celle des engins de levage ordinaires, où, lorsqu’il n’y a qu’une poulie, celle-ci est fixée à l’appareil de levage, ce qui est plus logique et plus pratique. Mais Héron est tenu par son hypothèse de départ et le rapport théorique se trouve inversé par rapport aux engins de levage : lorsque ceux-ci n’ont qu’une poulie (et du reste Héron le dira plus loin), la force de traction (F) est égale au fardeau (P), mais l’effort est plus facile à exercer de haut en bas que de bas en haut. Ici au contraire, une seule poulie suffit à diviser P par deux.
  • La situation C ne nous semble qu’une transition maladroite vers la situation D, car elle n’apporte aucun avantage mécanique, si ce n’est, comme nous le soulignions ci-dessus, qu’il est plus facile d’exercer l’effort de haut en bas que de bas en haut.
  • Dans la situation D au contraire, l’effort est divisé par trois, et l’on pourrait continuer ainsi indéfiniment, mais en ajoutant deux poulies à chaque fois, puisqu’ Héron suppose la corde toujours attachée à la poutre fixe, à son point de départ. Pour que l’ajout d’une seule poulie procure à chaque fois un avantage mécanique, il faudrait que, pour les nombres pairs de poulies, la corde soit attachée au fardeau » (Ph. Fleury, La mécanique de Vitruve, Caen, Presses Universitaires de Caen, 1993, p. 113).»

Dans le cas d’un palan simple, la puissance de traction est directement proportionnelle au nombre de poulies employées. Ainsi sur un palan simple à trois poulies, le rapport entre la force d’entrée (l’effort exercé sur le câble de traction) et la force de sortie (la puissance disponible au niveau du crochet de levage) est égale à 1/3, dans un palan à cinq poulies à 1/5 etc…

Vitruve, De architectura, 10, 2, 1 à 10, 2, 3 (Texte établi, traduit et commenté par L. Callebat et Ph. Fleury, Paris, Les Belles Lettres, 1986) :

Primumque instituemus de is, quae aedibus sacris ad operumque publicorum perfectionem necessitate comparantur. Quae fiunt ita. Tigna duo ad onerum magnitudinem ratione expediuntur. A capite a fibula coniuncta et in imo diuaricata eriguntur, funibus in capitibus conlocatis et circa dispositis erecta retinentur. Alligatur in summo troclea, quem etiam nonnulli rechamum dicunt. In trocleam induntur orbiculi duo per axiculos uersationes habentes. Per orbiculum summum traicitur ductarius funis, deinde demittitur et traducitur circa orbiculum trocleae inferioris. Refertur autem ad orbiculum imum trocleae superioris et ita descendit ad inferiorem et in foramine eius religatur. Altera pars funis refertur inter imas machinae partes. In quadris autem tignorum posterioribus, quo loci sunt diuaricata, figuntur chelonia, in quae coiciuntur sucularum capita, ut faciliter axes uersentur. Eae suculae proxime capita habent foramina bina ita temperata, ut uectes in ea conuenire possint. Ad rechamum autem imum ferrei forfices religantur, quorum dentes in saxa forata accommodantur. Cum autem funis habet caput ad suculam religatum et uectes ducentes eam uersant, funis se inuoluendo circum suculam extenditur et ita subleuat onera ad altitudinem et operum conlocationes.Haec autem ratio machinationis, quod per tres orbiculos circumuoluitur, trispastos appellatur.

Et nous commencerons d’abord par les appareils dont il est indispensable d’être muni pour les édifices sacrés et pour l’exécution des ouvrages publics. Ces appareils sont montés de la manière suivante. On choisit deux madriers, proportionnellement à l’importance des charges. On les dresse, assemblés à leur faîte par une broche et écartés du bas ; on les maintient dressés par des câbles, attachés aux faîtes et assujettis en différents points alentour. On fixe au sommet une chape, que certains appellent aussi rechamus. Dans la chape, on loge poulies dont la rotation est assurée par des axes. On fait passer par la poulie une corde tractoire qu’on laisse ensuite aller et qu’on engage autour de la poulie d’une chape inférieure. On ramène la corde à la poulie la plus basse de la chape supérieure et elle descend ainsi jusqu’à la chape inférieure, à l’œillet de laquelle on l’attache. L’autre extrémité de la corde est ramenée entre les pieds de la machine. Sur les plats arrière des madriers, à l’endroit où ils sont écartés, on fixe des paliers dans lesquels on introduit les têtes d’arbres de treuil, de manière que les tourillons tournent facilement. Près de chacune de leurs têtes, ces arbres ont deux entailles pratiquées de façon que les leviers s’y encastrent. Au bas, d’autre part, de la chape inférieure sont attachées des tenailles de fer dont les mâchoires s’adaptent aux entailles des blocs de pierre. Et, quand l’extrémité de la corde est attachée à l’arbre de treuil, et que les leviers entraînent et font tourner le treuil, la corde, en s’enroulant autour de l’arbre, se tend et ainsi soulève les charges à la hauteur voulue et jusqu’à pied d’œuvre. La rotation étant assurée par trois poulies, ce système mécanique est appelé trispastos. Mais quand deux poulies tournent dans la chape du bas et trois dans la chape supérieure, l’appareil est dit pentaspastos.

Héron, Mec., 2, 3 (Carra de Vaux, « Les mécaniques ou l’élévateur d’Héron d’Alexandrie », Journal asiatique, 1893, 2, p. 231-23Lorsque nous voulons élever un poids, quel qu’il soit, nous y attachons des cordes, et nous nous proposons de tendre les cordes jusqu’à le soulever; nous avons besoin pour cela d’une puissance égale au poids que nous voulons élever. Si, après avoir détaché les cordes du poids, nous lions l’une de leurs extrémités à une poutre fixe, puis que nous introduisions l’autre extrémité sous une poulie affermie sur le milieu du fardeau et que nous tendions alors les cordes, nous mouvrons le poids plus aisément. Si nous accrochons une autre poulie à la poutre fixe et que nous y fassions passer l’extrémité de la corde, en la tendant, nous mouvrons le poids avec plus de facilité encore. Si nous attachons encore une poulie au fardeau pour y glisser l’extrémité de la corde, cette aisance que nous avons à mouvoir le poids augmentera. En suivant ce procédé, nous multiplierons les poulies accrochées à la poutre fixe et au poids que nous voulons porter; nous introduirons successivement l’extrémité de la corde dans l’une des poulies fixes et dans l’une de celles qui sont liées au fardeau, et, faisant revenir à nous ce bout de la corde pour la tendre, nous verrons s’accroître la facilité avec laquelle nous élèverons le poids. Plus nous multiplierons les poulies sur lesquelles les cordes passent, plus cette facilité sera grande. Mais il faut que la première extrémité de la corde soit fixe, attachée à la poutre fixe, et que la corde aille de là vers le poids. Les poulies qui sont accrochées au support fixe doivent être affermies au moyen d’une autre pièce de bois, et elles doivent tourner autour d’un même axe qui est appelé manganum ; cette pièce de bois est attachée à la poutre fixe par d’autres cordes. Quant aux poulies liées au fardeau, elles sont rangées sur un autre axe égal au premier et attachées au fardeau.

Mouffle de Kenchréai - Clichés Sophie Madeleine, 2015Mouffle de Kenchréai - Clichés Sophie Madeleine, 2015
Palan à six réas, Epave Port-Vendres 2, Musée de Narbonne - Clichés Sophie Madeleine, 2015Palan à six réas, Epave Port-Vendres 2, Musée de Narbonne - Clichés Sophie Madeleine, 2015
Palan à six réas, Epave Port-Vendres 2, Musée de Narbonne - Clichés Sophie Madeleine, 2015Palan à six réas, Epave Port-Vendres 2, Musée de Narbonne - Clichés Sophie Madeleine, 2015
Mouffle de Kenchréai - Clichés Sophie Madeleine, 2015Mouffle de Kenchréai - Clichés Sophie Madeleine, 2015
Mouffle de Kenchréai - Clichés Sophie Madeleine, 2015Mouffle de Kenchréai - Clichés Sophie Madeleine, 2015
Détail de la moufle supérieure - Infographie : Alexandre François - Dossier scientifique : Philippe Fleury, 2011Détail de la moufle supérieure - Infographie : Alexandre François - Dossier scientifique : Philippe Fleury, 2011
Chèvre à palan double et à tambour - Infographie : Alexandre François - Dossier scientifique : Philippe Fleury, 2011Chèvre à palan double et à tambour - Infographie : Alexandre François - Dossier scientifique : Philippe Fleury, 2011
Moufle inférieure - Infographie : Alexandre François - Dossier scientifique : Philippe Fleury, 2011Moufle inférieure - Infographie : Alexandre François - Dossier scientifique : Philippe Fleury, 2011
Moufle supérieure avec des poulies couplées - Infographie : Alexandre François - Dossier scientifique : Philippe Fleury, 2011Moufle supérieure avec des poulies couplées - Infographie : Alexandre François - Dossier scientifique : Philippe Fleury, 2011
Chèvre à treuil équipée d’un palan simple à trois niveaux de poulies - Infographie : Alexandre François - Dossier scientifique : Philippe Fleury, 2011Chèvre à treuil équipée d’un palan simple à trois niveaux de poulies - Infographie : Alexandre François - Dossier scientifique : Philippe Fleury, 2011
Chèvre à treuil équipée d’un palan simple à trois niveaux de poulies - Infographie : Alexandre François - Dossier scientifique : Philippe Fleury, 2011Chèvre à treuil équipée d’un palan simple à trois niveaux de poulies - Infographie : Alexandre François - Dossier scientifique : Philippe Fleury, 2011
Détail de la moufle supérieure - Infographie : Alexandre François - Dossier scientifique : Philippe Fleury, 2011Détail de la moufle supérieure - Infographie : Alexandre François - Dossier scientifique : Philippe Fleury, 2011
Détail de la moufle inférieure - Infographie : Alexandre François - Dossier scientifique : Philippe Fleury, 2011Détail de la moufle inférieure - Infographie : Alexandre François - Dossier scientifique : Philippe Fleury, 2011
Mise en situation du mât unique à palan triple - Infographie : Alexandre François - Dossier scientifique : Philippe Fleury, 2011Mise en situation du mât unique à palan triple - Infographie : Alexandre François - Dossier scientifique : Philippe Fleury, 2011
Poulies de renvoi pour les trois files d’hommes - Infographie : Alexandre François - Dossier scientifique : Philippe Fleury, 2011Poulies de renvoi pour les trois files d’hommes - Infographie : Alexandre François - Dossier scientifique : Philippe Fleury, 2011
Mise en situation sur les quais de Rome - Infographie : Alexandre François - Dossier scientifique : Philippe Fleury, 2011Mise en situation sur les quais de Rome - Infographie : Alexandre François - Dossier scientifique : Philippe Fleury, 2011
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