Restituer signifie à proprement parler “remettre en son premier état”. Restituer un texte ancien, c’est tenter de retrouver le texte originel, celui écrit par l’auteur, en collationnant les textes des manuscrits conservés, en les hiérarchisant, en les confrontant éventuellement à d’autres sources textuelles, en essayant de comprendre le mécanisme des dégradations. Restituer la Rome ancienne, c’est tenter de retrouver l’aspect de Rome à un moment donné de son histoire en utilisant les sources textuelles, archéologiques et iconographiques. L’intérêt de la restitution est le même pour un texte que pour un bâtiment ou une ville : il s’agit de se représenter, de discuter, de raisonner à partir de données les plus proches possibles du réel. Le premier problème de la restitution architecturale ou urbaine est celui de la méthodologie, de la forme que doit prendre la restitution, le problème aussi de sa transmission. Quand il s’agit de restituer un texte ancien, la question ne se pose plus guère : les éditions critiques ont adopté depuis longtemps des normes qui ont varié légèrement selon les époques et les pays mais qui aboutissent toutes à des résultats similaires : les leçons des différents manuscrits exposées dans l’apparat critique représentent les sources brutes, le texte est la restitution proprement dite, un commentaire sur les choix philologiques s’y ajoute éventuellement. Quand il s’agit d’un bâtiment ou d’une ville, les formes prises par la restitution sont diverses. Il peut s’agir d’une simple description textuelle : c’est le support choisi par le premier “restaurateur” de la Rome antique, Flavio Biondo, quand il publie Roma instaurata en 1446. Pour la première fois le travail de restitution est fait de façon scientifique, en confrontant sources archéologiques et sources textuelles. L’humaniste italien va sur le terrain, il observe, il relève les inscriptions, note les résultats de fouilles fortuites ou volontaires. Il va aussi dans les bibliothèques, il lit, annote, recopie les manuscrits des auteurs de l’Antiquité. Il redécouvre des textes oubliés depuis des siècles : il est le premier par exemple à citer l’œuvre d’Ammien Marcellin. Plus couramment la restitution est graphique : dessin au trait, sciographie ou aquarelle, projection orthographique ou vue en perspective… De la fin du XVIIIe siècle jusqu’au début du XXe siècle, les architectes “Grand prix de Rome” ont eu cet exercice obligé à la fin de leur séjour à la villa Médicis : non seulement ils devaient faire le relevé d’un bâtiment antique, mais ils devaient aussi en proposer une restitution, accompagnée d’un mémoire explicatif. Ces travaux, envoyés à Paris, forment la collection de ce que l’on appelle les “Envois de Rome”. La maquette de Paul Bigot s’inscrit dans cette tradition.
Les « Envois de Rome »