Le Forum de Trajan est le dernier des forums impériaux à avoir vu le jour, c’est le plus grand et le plus somptueux.
Le forum de Trajan est construit parallèlement au Forum de César et il s’articule perpendiculairement au Forum d’Auguste. L’influence du Forum d’Auguste sur celui de Trajan est sensible dans la définition d’une vaste place bordée de portiques corinthiens, s’élargissant en deux exèdres semi-circulaires ; dans la présence en son centre d’une statue équestre de l’empereur ; dans le décor de l’attique des portiques. L’interprétation commune est que ce forum exaltait avec beaucoup plus de force suggestive que celui d’Auguste, la gloire des armes, le thème du triomphe, celui de la Pax romana imposée par la guerre au monde barbare. La fermeture d’un petit côté de la place par la Basilique Ulpienne est originale : les autres Forums Impériaux ont tous un temple en perspective de l’entrée.
L’année 107 ap. J.-C. fut celle du triomphe de Trajan sur les Daces et du début des travaux du forum sous la direction d’Apollodore de Damas (Dion Cassius 69, 4, 1-2). Cependant, une partie du terrassement avait déjà été entreprise par Domitien et achevée juste après sa mort en 96-98 ap. J.-C. L’inauguration du forum de Trajan eut lieu en janvier 112 ap. J.-C., celle de la colonne Trajane en mai 113 ap. J.-C.. D’importants travaux d’excavation avaient été nécessaires dans la colline du Quirinal et dans l’ensellement qui reliait l’Arx et le Quirinal. La colonne Trajane revêt ainsi une quadruple fonction. Elle est d’abord le tombeau de Trajan : la base contenait l’urne funéraire en or et elle était surmontée de la statue de Trajan (Eutrope 8, 5, 2). Elle est ensuite la marque de l’exploit technique réalisé pour construire le forum : elle donne en effet la hauteur de l’excavation qui a été pratiquée. La colonne Trajane est peut-être aussi un piaculum, destiné à expier la destruction de l’enceinte Servienne (Coarelli 2000, 6). Elle est enfin l’illustration de la gloire guerrière de Trajan, « elle proclame la gloire de Trajan à la face du ciel et du temps », pour reprendre les mots de P. Veyne (Veyne 1991, 311-343).
L’emplacement du temple est le point le plus difficile du dossier scientifique. Son existence est assurée par des sources textuelles et iconographiques incontestables. Les témoignages archéologiques sont en revanche plus confus. Les sources textuelles sont composées de deux textes littéraires sûrs et du catalogue des Régionnaires. Aulu-Gelle parle de « la bibliothèque du temple de Trajan » (Aulu-Gelle, NA, 11, 17, 1 : Bibliotheca Templi Traiani). L’Histoire Auguste rapporte qu’Hadrien « construisit partout un nombre infini de monuments, mais n’y inscrivit jamais son propre nom, sauf sur le temple de son père Trajan » (Histoire Auguste, Had. 19, 9 : in Traiani patris templo). Le catalogue des Régionnairesenfin mentionne le templum diui Trajanidans la huitième région. Il faut ajouter à ces sources deux inscriptions (CIL 6, 966) qui transmettent une même dédicace semblant associer Trajan et Plotine dans un seul temple. Les sources iconographiques sont constituées de plusieurs émissions monétaires des années 103 à 111 ap. J.-C.
Dès le haut Moyen-âge, on perd la trace du bâtiment lui-même, mais la mise au jour répétée, à partir de la fin du XVIe siècle, de fragments d’énormes fûts de colonnes à l’emplacement de l’actuel Palazzo della Provincia ont fait supposer qu’il se trouvait à cet endroit. Le problème est que jusqu’à ces dernières années, on n’avait retrouvé aucune trace du podium. Suite au creusement d’un abri anti-aérien dans les sous-sols du Palazzo della Provincia, Guglielmo Gatti avait même rédigé en 1936 une note concluant à l’absence de trace du temple du divin Trajan à cet endroit (Gros 2005,173-197). Les premiers résultats des fouilles entreprises en 1996 et 1997 sous l’église du Saint-Nom-de-Marie et du Palazzo Valentini ont confirmé la conclusion négative de Gatti et R. Meneghini a proposé une interprétation largement admise jusqu’à ces dernières années : les fragments de fûts de granite gris retrouvés appartiendraient à un colossal portique d’entrée, faisant la liaison entre le Champ de Mars et le forum de Trajan (Meneghini 1998, 127-148). Par conséquent, comme il fallait placer le temple ailleurs, E. La Rocca a voulu le situer à l’extrémité de la partie sud, faisant face à la basilique, selon le schéma des forums tripartites (La Rocca 1998, 149-173), mais les fouilles entreprises à l’occasion du jubilé 2000 ont anéanti cette hypothèse, en mettant en évidence dans ce secteur la monumentale liaison entre le forum d’Auguste et celui de Trajan (Meneghini 2007, 83-113 et particulièrement 92-99). P. Gros, de son côté, a proposé d’identifier les temples de Trajan et de Plotine avec les structures traditionnellement considérées comme des bibliothèques de chaque côté de la colonne, plaçant les bibliothèques elles-mêmes dans les exèdres de la basilique (Gros 2005,173-197). Seul Packer (Packer 2003) maintenait l’hypothèse traditionnelle et les fouilles les plus récentes lui ont donné raison. La campagne d’excavations commencée en 2011 dans le secteur sud des caves du Palazzo Valentini, face à la colonne Trajane, a en effet mis en évidence une grande et puissante plate-forme parfaitement orientée dans l’axe des structures du forum de Trajan (Baldassarri 2012, 45-52). Sur la plate-forme, ont été retrouvés deux énormes fragments de fûts de colonnes monolithiques en granite gris « del foro », similaires au fût encore visible au pied de la colonne Trajane. On a en outre retrouvé un fragment de chapiteau en marbre blanc, dont les dimensions exceptionnelles suggèrent qu’il appartient aux colonnes. Tous ces éléments conduisent à supposer l’existence d’un édifice public de très grande importance dont les vestiges sont restés enfouis sous le Palazzo della Provincia. Il s’agit sans aucun doute du temple du Trajan même s’il faut attendre la poursuite des fouilles dans ce secteur pour confirmer l’hypothèse. Pour conclure l’examen du dossier scientifique, il faut mentionner les découvertes sensationnelles faites à partir de 2007 à l’occasion des fouilles préparatoires au tracé T2 de la ligne C du métro, piazza della Madonna di Loreto (Egidi 2010, 93-123). Ces fouilles ont mis en évidence trois auditoria, enchâssant en arc de cercle le temple de Trajan du côté ouest selon une disposition déjà connue par une monnaie. L’organisation de la zone paraît dater de l’époque de Trajan (même si la réalisation est d’Hadrien) et faire partie du projet d’ensemble. Peu importe que cet ensemble corresponde ou nom à l’Athenaeum d’Hadrien (l’« Université » antique de Rome), il s’agit en tout cas de trois bâtiments identiques liés à l’exercice d’activités culturelles (peut-être aussi judiciaires et administratives).