Pompe à pistons préalable d’Héron
Le principe de l’utilisation de l’air comprimé pour projeter de l’eau en hauteur est bien connu dans l’Antiquité. Héron décrit ainsi dans ses Pneumatiques une fontaine dont le contenu se vide sans aucune intervention par une buse orientable (exactement du même modèle que celle de sa pompe à pistons) après que l’on a comprimé l’air résidant dans sa partie supérieure (Héron d’Alexandrie, Pneum. 1, 10).
Le schéma ci-dessous présente la pompe décrite par Héron (nous avons simplifié le système des lettres utilisé par l’auteur).
La pompe à pression préalable d’Héron d’Alexandrie
L’appareil décrit par Héron a une toute petite contenance (6 cotyles représentent un peu plus d’1,5 litre) mais son principe, qui n’est autre que celui des pulvérisateurs à pression préalable ou à pression entretenue utilisés aujourd’hui, est applicable à des appareils beaucoup plus importants. On pourrait même se demander si, quand Sénèque dit que « ce n’est pas la main de l’homme, ni une machine, mais l’air qui projette l’eau » (Sénèque, Questions Naturelles 2, 9, 2 ), il ne pense pas à un système de ce type : l’air aurait été préalablement comprimé et la sparsio se ferait ensuite sans autre intervention humaine que l’ouverture d’un robinet. Mais Sénèque peut simplement vouloir souligner le rôle de compression de l’air en exagérant un peu son propos puisque de toutes façons, à un stade ou à un autre, il y a intervention de l’homme et d’une machine. La connaissance de ce système de régulateur de pression, par ailleurs attesté sur les orgues hydrauliques, tend à accréditer l’hypothèse 2 de restitution virtuelle de la pompe à pistons.
Héron d’Alexandrie, Pneum., 1, 10 (trad. G. Argoud et J. Y. Guillaumin, Publications de l’Université de St Etienne, 1997 ; nous avons simplifié le système des lettres utilisé par Héron) :
« On construit aussi une sphère creuse ou un autre vase, dans lequel, si l’on verse un liquide, on le fait s’élever spontanément avec une grande force, de façon à vider tout le vase, bien que le mouvement ascendant du liquide soit contraire à la nature. La construction est la suivante.
Soit une sphère de la contenance d’environ 6 cotyles, dont la paroi est faite d’un métal assez solide pour supporter la pression de l’air qu’elle va subir. Plaçons cette sphère A sur une base quelconque B ; à travers une ouverture percée à sa partie supérieure, introduisons un tube C qui descend jusqu’à la partie de la sphère diamétralement opposée à l’ouverture, en laissant un passage suffisant pour le passage de l’eau ; ce tube dépassera un peu la partie supérieure de la sphère et sera fixé à la paroi de la sphère au niveau de l’ouverture. L’orifice supérieur du tube se divisera en deux branches, D et E, auxquelles on fixera deux autres tubes recourbés, F et G, qui communiquent avec les branches D et E. Un autre tube H sera soigneusement ajusté aux tubes F et G, en communication lui aussi avec eux par des ouvertures situées au niveau de F et G, et muni d’un petit tube vertical I communiquant avec lui, pourvu d’une petite ouverture qui se resserre en J. Si donc nous saisissons le tube I et faisons pivoter le tube H, les ouvertures qui correspondaient l’une à l’autre seront fermées, si bien que le liquide qui s’élèvera ne trouvera plus d’issue. Insérons alors dans la sphère un autre tube K par une autre ouverture, avec son ouverture inférieure L bouchée, mais qui a sur le côté, près du fond, une ouverture circulaire M, sur laquelle est adaptée une soupape, du type de celles que l’on appelle en latin assarium, dont nous décrirons plus tard la construction. Insérons dans le tube K un autre tube N, parfaitement adapté à lui. Si nous retirons le tube N pour verser du liquide dans le tube K, ce liquide pénétrera dans la cavité de la sphère par l’ouverture M, puisque la soupape s’ouvre vers l’intérieur, et puisque l’air s’échappe par les ouvertures du tube H dont on a déjà parlé, ouvertures placées en face des ouvertures des tubes F et G Quand la sphère est à moitié remplie de liquide, inclinons le petit tube I de manière à supprimer la communication qui existait entre les ouvertures ; enfonçons ensuite te tube N et comprimons par son intermédiaire l’air et le liquide contenus dans le tube K, qui passent dans la cavité de la sphère par la soupape avec force, parce que la sphère est pleine d’air et de liquide. Ce passage est rendu possible par la pression de l’air qui se comprime dans les espaces vides qu’il contenait. Puis retirons à nouveau le tube N, de façon à remplir d’air le tube K, enfonçons à nouveau le tube N et faisons pénétrer cet air dans la sphère. En répétant plusieurs fois cette opération, nous aurons dans la sphère beaucoup d’air comprimé. Il est évident en effet que l’air comprimé ne peut s’échapper quand le piston est retiré, parce que la soupape, pressée par l’air intérieur, reste fermée. Si donc nous redressons le petit tube I pour le rendre vertical et rétablir la communication entre les ouvertures qui correspondaient l’une à l’autre, le liquide jaillira alors, puisque l’air comprimé reprendra le volume qui est le sien et pressera le liquide placé au-dessus de lui. Si l’air comprimé est assez important, tout le liquide sortira, si bien que l’air en surplus aussi avec le liquide ».